dimanche 31 août 2008

Dimanche 31 Août 2008. 11H04

L'art du pamphlet est un art à part entière. Dans ce domaine aussi, Chateaubriand excelle : "Or, il n'est pas inutile aux hommes qu'un homme s'immole à sa conscience ; il est bon que quelqu'un consente à se perdre pour demeurer ferme à des principes dont il a la conviction et qui tiennent à ce qu'il y a de noble dans notre nature : ces dupes sont les contradicteurs nécessaires du fait brutal, les victimes chargées de prononcer le veto de l'opprimé contre le triomphe de la force;" (p.189 et 190, op.cit.)

samedi 30 août 2008

Samedi 30 Août 2008. 17H56

Ma devise préférée, par instants, est celle des anarchistes : "Ni Dieu, ni Maître". En écrivant le mot "maître", dans ce contexte, je pense surtout aux maître spirituels, aux gourous de tout poil, à ceux qui s'instituent les maîtres à penser d'autrui.
Si Chateaubriand est un maître, à mes yeux, c'est, essentiellement, un maître à écrire : "Si j'ai jamais senti à la fois la vanité et la vérité de la gloire et de la vie, c'est à l'entrée du bois silencieux, obscur, inconnu, où dort celle qui eut tant d'éclat et de renom, et en voyant ce que c'est que d'être véritablement aimé." (p. 184, op. cit.)

Samedi 30 Août 2008. 11H13

Lu les pages 181 à 208 du Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe (Classiques de Poche). Je prends en note des phrases, que je recopie dans un cahier d'écolier, comme quelqu'un classerait de jolies fleurs dans un herbier . Aujourd'hui, l'âge aidant, peut-être, une phrase bien écrite me semble avoir la perfection absolue d'un joyau. Je suis sensible au style, plus que jamais, sans pour autant, du moins je l'espère !, être capable d'admirer une phrase très bien écrite que je réprouverais sur le plan moral et philosophique.
Ainsi (p. 181, op. cit.) : "si j'eusse été libre et seul, j'aurais demandé aux moines quelque trou dans leurs murailles pour y achever mes Mémoires auprès d'une chouette ; puis je serais allé finir mes jours sans rien faire sous le beau soleil fainéant de Naples ou de Palerme : mais les beaux pays et le printemps me sont devenus des injures, des désastres et des regrets."
Ou encore , cette citation que Chateaubriand fait de l'un de ses ouvrages, René : "La famille de l'homme n'est que d'un jour ; le souffle de Dieu la disperse comme une fumée. A peine le fils connaît-il le père, le père le fils, le frère la soeur, la soeur le frère ! Le chêne voit germer ses glands autour de lui, il n'en est pas ainsi des enfants des hommes !" (p. 182 et 183, op.cit.)
Quel plus beau lamento concernant le temps qui passe et la précarité de la vie ?

mercredi 27 août 2008

Jeudi 28 Août 2008. 6H18

Lu, hier, avec beaucoup d'admiration, les pages 165 à 172 du volume IV des Mémoires d'Outre-Tombe (Classiques de Poche). Chateaubriand a 64 ans : c'est un (presque) déjà vieux monsieur qui écrit comme un jeune homme. Ecrivain consacré (nous sommes en 1832), il n'a plus rien à prouver, ni à se prouver, il n'a plus qu'à exprimer son appétit de vivre, comme un feu mal éteint. Et cela donne ces éclats de lumière que donne la braise d'un feu de cheminée qui ne veut pas s'éteindre et qui luit dans le noir : "Le paysage n'est créé que par le soleil ; c'est la lumière qui fait le paysage" (p.165, op. cit.). "Faites-moi aimer, et vous verrez qu'un pommier isolé, battu du vent, jeté de travers au milieu des froments de la Beauce [...] toutes ces petites choses, rattachées à quelques souvenirs, s'enchanteront des mystères de mon bonheur ou de la tristesse de mes regrets." (p.167, op. cit.).

C'est, évidemment, un homme ardemment amoureux qui écrit ces lignes. A son arrivée au bord du lac de Constance, il feint une coïncidence : tandis qu'il attendait Madame de Chateaubriand, "Madame Récamier était arrivée depuis deux jours pour faire une visite à la reine de Hollande" (p.171, op. cit.). Par une extraordinaire coïncidence , elle descend dans la même auberge ! "Dans la ville délabrée de Constance, notre auberge était fort gaie [...] Madame Récamier voulut se mettre à l'abri de la joie de nos hôtes : nous nous embarquâmes sur le lac..." Après une petite traversée, ils abordent à la "grève d'un parc" où, au terme d'une promenade en tête-à-tête, Chateaubriand écrit sur les "tablettes" de Madame Récamier :"Que mes jours expirent à vos pieds, comme ces vagues dont vous aimez le murmure." (p.172, op. cit.).

Au retour de cette promenade, ils rencontrent (p. 172, op. cit.) la reine de Hollande et son fils, le futur Napoléon III, alors âgé de 24 ans, dont Chateaubriand qui mourra en 1848, ne verra pas l'avènement. Mais c'est comme si la suite de l'Histoire de France, l'Histoire de France d'au-delà de sa propre vie, venait à sa rencontre, là, sur les rives du lac de Constance, et je ne peux m'empêcher de penser que Chateaubriand avait, en son for intérieur, la prescience de qu'allait devenir le jeune "Louis-Napoléon".

vendredi 22 août 2008

Vendredi 22 Août 2008. 17H32

Sur le chemin de l'exil, en 1832, en Suisse, dans la vallée de Schoellenen, Chateaubriand évoque une cascade que l'on découvre depuis le "Pont du Diable" : "Pour jouir des arcs-en-ciel et des rejaillissements de la cascade, il se faut placer sur ce pont ; mais quand on a vu la cataracte du Niagara, il n'y a plus de chute d'eau. Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose m'arrive à l'égard des sociétés et des hommes." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 157)

samedi 16 août 2008

Samedi 16 Août 2008. 19H36

S'adressant à Chateaubriand, en Août 1832, Madame la Duchesse de Berry lui écrit : "Je vois que votre intention est de quitter encore la France, je le regretterais beaucoup si je pouvais vous rapprocher de moi ; mais vous avez des armes qui touchent de loin et j'espère que vous ne cesserez pas de combattre pour Henri V." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 141)
J'admire cette langue française encore tout imprégnée de l'élégance du XVIII° siècle : "vous avez des armes qui touchent de loin". A propos de cette dernière expression, Jean-Claude Berchet, maître de conférences à l'Université Paris III-Sorbonne nouvelle, gnose en bas de page : "c'est-à-dire une plume".
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Autre admirable expression, de Chateaubriand, cette fois, concernant les "danses de la mort" de Holbein : "La Mort est variée à l'infini, mais toujours bouffonne à l'instar de la vie, qui n'est qu'une sérieuse pantalonnade." (p. 146, op. cit.)

dimanche 10 août 2008

Dimanche 10 Août 2008. 17H18

Admirable réponse, que celle de Chateaubriand , en Mars 1832, à "un billet de madame la duchesse de Berry qui [le] nommait membre d'un gouvernement secret, qu'elle établissait en qualité de régente de France." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 76). Dans cette réponse, j'apprécie tout particulièrement les lignes suivantes : "Vous connaissez, Madame, l'ordre d'idées dans lequel j'aperçois la possibilité d'une restauration ; les autres combinaisons seraient au-dessus de la portée de mon esprit ; je confesserais mon insuffisance. C'est ostensiblement, et en me proclamant l'homme de votre aveu, de votre confiance, que je trouverais quelque force [...] mais je n'entendrais rien aux dévouements secrets ; je ne sais me rendre coupable de fidélité que par le flagrant délit" (p.84 et 85, op. cit.).

vendredi 8 août 2008

Vendredi 8 Août 2008. 10H36

Toulouse (Haute-Garonne, France).
Arrivé ici le mardi 5 Août à dix heures du soir. Mon fils S. vient me chercher devant la gare Matabiau. Le mercredi 6 Août, à huit heures du matin, depuis le balcon de S. , une vue sur la ville, mais surtout, surtout, mes retrouvailles avec la "lumière du Sud". Comment parler de cette lumière, que j'ai découverte il y a bien longtemps, en Corse ? Avec, en prime, en Corse, l'odeur du maquis, qui ne se raconte pas, mais se vit. Depuis ce 6 Août, le ciel de Toulouse est nuageux, changeant, mes retrouvailles avec la "lumière du Sud" n'ont duré que quelques heures.
Aujourd'hui, il pleut.

dimanche 3 août 2008

Dimanche 3 Août 2008. 11H42

Madame de Staël adresse à Madame Récamier une lettre , en 1810, depuis Coppet, dans laquelle on trouve cette phrase non dépourvue de force : "moi, je commence à mourir. Cela peut bien durer vingt-cinq ans, mais l'oeuvre est commencée et suivra dans le même sens. Enfin pourquoi vouloir dépasser son temps ?" (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, III, p. 618, op. cit.)