vendredi 31 octobre 2008

Vendredi 31 Octobre 2008. 9H03

Il y a , dans la Correspondance à Trois (1926) de Pasternak, Rilke, Tsvétaïeva, cette expression merveilleuse de Rilke : "nous nous frôlons, comment ? par des coups d'aile."

mercredi 8 octobre 2008

Mercredi 8 Octobre 2008. 15H03

Romilly-Sur-Seine.
La télévision nous montre, hier soir, une émission sur "le suicide au travail": on nous donne à voir les remords de la femme d'un "ingénieur-développement", chez Renault , remords de n'avoir pas agi à temps : que pouvait-elle faire ? La caméra nous montre, en contre-plongée , la passerelle d'où l'ingénieur s'est jeté... S'ensuivent les propos de l'avocate de la famille de l'ingénieur...
Dans la même journée d'hier, on me raconte l'histoire d'un ouvrier qui s'enferme dans un local, en disant qu'il va "se trancher la gorge" et que "c'est à cause de son patron." J'éprouve une grande compassion pour tous ceux que broie le travail.
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Hier, également, toutes les chaînes de télé nous montrent l'exposition "Picasso et les Maîtres", au Grand Palais. La caméra montre les oeuvres de Titien, Velasquez, Goya, Zurbaran, Poussin, Ingres, Manet, Cézanne, Van Gogh, mêlées à celles de Picasso . Je retiens surtout qu'un artiste qui veut forger son oeuvre personnelle ne peut se passer d'une ardente réflexion sur les oeuvres des autres artistes. Il en va de même pour la littérature.

mardi 7 octobre 2008

Mardi 7 Octobre 2008. 20H56

Romilly-Sur-Seine.
Dimanche 5 Octobre
: je note deux phrases des Mémoires d'Outre-Tombe : "rien ne brise le coeur comme la simplicité des paroles dans les hautes positions de la société et les grandes catastrophes de la vie."' (p. 259, IV, op. cit.). Et ceci, encore : Charles X , en exil à Prague, en 1833, attend la visite de Chateaubriand, et dit à ses petits-enfants : "Devinez qui vous verrez demain : c'est une puissance de la terre !" (p. 266, IV, op. cit.) Qu'un grand écrivain puisse être qualifié de "puissance de la terre" par un roi, même s'il s'agit d'un roi déchu, un roi exilé, m'émeut.
Lundi 6 Octobre : j'ai pensé, je ne sais pourquoi, à ce Proviseur mort il y a plus de quinze ans, dans l'exercice de ses fonctions, à Thionville (Moselle). Atteint d'un cancer qui s'était propagé à la colonne vertébrale, il venait travailler, chaque jour, dans un corset de plâtre, autour du torse, dont nous nous amusions, nous, ses collègues, en toquant dessus, avec l'index. Comme on fait toujours dans ces cas-là, nous lui parlions comme s'il allait ne jamais mourir.
Mardi 7 Octobre : à mon fils A., qui me dit au téléphone que ses études l'ennuient , je réponds que je me suis , tout comme lui, énormément ennuyé au lycée. J'ai découvert le plaisir intellectuel des études seulement à la Faculté des Lettres de Besançon (Doubs), en préparant ma Licence es Lettres Modernes, en 1972. Je me souviens d'un exposé que j'avais fait devant mes condisciples sur une page des Confessions de Jean-Jacques Rousseau (la journée des cerises) . A la fin de mon exposé, le commentaire de l'enseignant (Paul Sadrin) m'est allé droit au coeur : "Monsieur, si Jean-Jacques Rousseau avait été là, il aurait été content."

dimanche 5 octobre 2008

Lundi 6 Octobre 2008.6H29

Romilly-Sur-Seine.
Hier , dans le village où se trouve blottie, face à l'église, ma maison lorraine, mon voisin, m'invite à boire l'apéritif, à midi. Le voisin, devant sa soeur, rappelle que j'écris de la poésie, que je publie sur internet. Sa soeur m'apprend qu'elle écrit de la poésie, elle aussi, et a obtenu un prix de la Société des Poètes français.
Je me mets à parler de toute la trajectoire de ma vie de poète, ou du moins de celle que je veux bien montrer, comme, sur ce blog, je choisis d'écrire certaines choses de ma vie, et de ne pas tout dire de ce qu'il m'arrive dans ma vie.
Bref , de ma vie je raconte les échos qu'eurent mes textes, les déceptions entre ce que l'on imagine du pouvoir de la poésie et son pouvoir réel, cette soirée mondaine, il y a trente ans, à Jussey (Haute-Saône), dans un domicile privé, où l'on me demande de lire en public des poèmes, accompagné d'un pianiste et où je découvre que la maîtresse de maison, à qui je demande un exemplaire d'un de mes recueils, n'en a même pas coupé les pages !
Je parle de cette étudiante d'hypokhâgne qui , il y a vingt ans, m'écrit de Jarny (Meurthe-et-Moselle) sans m'avoir jamais rencontré : "je cherche votre adresse depuis des mois, j'anime une émission dans une radio locale et je voudrais vous consacrer une émission que j'intitulerais : Michel CONRAD, Sol, Soleil, Solitude". J'explique que , sans que je sache vraiment pourquoi, je n'ai pas daigné me rendre dans cette radio locale de Jarny, et que je n'ai jamais rencontré cette admiratrice inconnue.
Je raconte que j'ai découvert récemment, grâce à internet, qu'un de mes recueils de poèmes, Le Soir dans les Jardins, se trouve à la Library of Congress de Washington, et que j'aimerais rencontrer le diplomate qui a fait traverser l'Atlantique à cette plaquette de onze pages imprimée, à cent exemplaires, à compte d'auteur, par l'Imprimerie Néo Typo de Besançon (Doubs) en 1976.
J'oublie de raconter ce lundi 17 Décembre 2001, où dans une librairie de Charmes (Vosges), je découvre le livre de Bernard Lorraine "Panorama de la Poésie en Lorraine"(Editions Serpenoise, 1999), où une page m'est consacrée . Alors que je me promettais de faire les démarches pour le rencontrer, Bernard Lorraine meurt en Mars 2002, à Neufchâteau (Vosges), sans que j'aie pu le remercier.
Ces personnes (la jeune fille d'hypokhâgne , le diplomate inconnu, Bernard Lorraine), ce sont les rendez-vous manqués de ma vie, à jamais , et pour "les siècles des siècles", comme disait le pasteur, dans mon enfance, quand j'assistais au culte protestant, au Temple de Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Après m'avoir longuement écouté, la soeur de mon voisin me dit que je dois absolument découvrir l'oeuvre d'un poète, dont elle écrit le nom sur un post-it, qu'elle me donne : "Boris Gamaleya".
Rentré dans ma maison lorraine, j'apprends, par internet, que Boris Gamaleya est né en 1930 à la Réunion . Communiste, professseur de Collège, il est victime de l'ordonnance Debré du 15 Octobre 1960, autorisant les pouvoirs publics à procéder à l'exil forcé en métropole des fonctionnaires de l'outre-mer troublant l'ordre public. Boris Gamaleya écrit, à Romainville, où il est exilé, Vali pour une reine morte de 1960 à 1972, puis, après une grève de la faim en 1972, obtient de rentrer à la Réunion où il publie en 1973, à compte d'auteur, Vali pour une reine morte.

samedi 4 octobre 2008

Dimanche 5 Octobre 2008. 5H23

Dans ma maison, en Lorraine.
Vendredi 3 Octobre 2008, j'étais dans une réunion professionnelle, dans un Collège de la banlieue de Troyes. Il y avait là des Chefs d'Etablissement , une représentante du Centre Départemental d'Accès au Droit et des représentants de l'Inspection Académique. Tous ces gens parlaient de choses excessivement sérieuses , comme , par exemple, "l'ordonnance de 1945" concernant la Justice des mineurs, etc.
Dans le groupe que nous constituions, , il y avait B. , dont je fus l'Adjoint , de Septembre 2005 à Juin 2006. Après la réunion, nous allâmes dans la salle où, dans ce Collège, se trouvait exposée "l'exposition 13/18 " qui constitue une initiation des jeunes à ce qu'ils doivent savoir concernant la Justice. Je m'adressai à B. : comment cela se passait-il dans le nouveau Collège qu'il dirigeait ? Avec sérieux et morosité (B. est un homme de peu de paroles) , il me parla de la rénovation en cours des bâtiments, qui était plus que nécessaire, etc.
Soudain, je demandai à B. ce que devenait sa fille, que j'avais connue élève de 3°, en 2005-2006. Son visage s'illumina : pendant qu'il me parlait, avec un enthousiasme non feint, des succès scolaires et artistiques de sa fille, de son "nouveau violon, confectionné sur mesure par un luthier de Bruxelles", de "l'archet au carbone qu'elle utilise désormais", je pensai à deux phrases : d'abord , à une phrase du Père Goriot , dans le roman de Balzac qui porte ce nom : "quand j'ai été père, j'ai compris Dieu", et ensuite à un proverbe persan : "celui qui n'a pas d'enfant n'a pas de lumière dans les yeux."

Samedi 4 Octobre 2008. 18H47

Quarante-cinq années d'écriture m'ont appris que l'écriture, comme tous les arts majeurs , est une chose infiniment grave, qui a à voir avec le temps qui passe, avec notre si brève éternité humaine, et donc avec la décrépitude, et la mort.
Il est bon que la jeunesse soit insouciante, audacieuse, qu'elle aille au-devant des difficultés de la vie, avec l'enthousiasme et l'innocence que nous avons eues, nous aussi, à vingt ans. C'était , comme dit la chanson d'Aznavour, "hier encore..."
C'est dans le regard des autres que nous découvrons, soudain, chaque jour, plus sûrement que dans un miroir, qui nous sommes devenus. Et il suffit de regarder nos parents s'avancer dans le grand âge, pour savoir qui nous serons.

mercredi 1 octobre 2008

Mercredi 1 Octobre 2008. 18H32

Hier soir, Mardi 30 Septembre 2008, j'étais à une réunion "politique". Nous étions cinq, autour d'une table ronde, dans la nuit sur Romilly-Sur-Seine. L'un de mes interlocuteurs me dit : "notre objectif, ce sont les Elections Municipales de 2014 !". Cette date me parut, soudain, infiniment lointaine, et comme à des années-lumière de cet "hic et nunc" : le dernier jour de Septembre 2008. Je pris conscience qu'en nous assignant un objectif aussi lointain, nous étions en train de devenir des marathoniens du temps qui passe.
D'ailleurs, la vie tout entière n'est-elle pas un marathon, un marathon qui finit mal, puisque c'est la Mort qui nous attend, sur la ligne d'arrivée ?
Quand la réunion prit fin, comme chacun partait vers son domicile, au moment où je sortais du local où nous nous trouvions, un membre de notre groupe me dit, par plaisanterie, Dieu sait pourquoi : "et ne va pas dévaliser la Banque !" Avais-je une tête à ça ?
Rue de la Boule d'Or, sur le chemin de mon appartement de fonction, j'eus envie de courir, sans en avoir la force, en pensant à cette phrase de Mai 1968, cette phrase de mes vingt ans : "cours vite, camarade, le vieux monde est derrière toi !"