mercredi 4 mars 2009

Jeudi 5 Mars 2009. 8H18

Incroyable modernité des questions soulevées par Chateaubriand, en 1841, quand on pense à tous les nouveaux pauvres d'aujourd'hui , dans les pays "capitalistes", en 2009 : " Un état politique où des individus ont des millions de revenu, tandis que d'autres meurent de faim, peut-il subsister quand la religion n'est plus là, avec ses espérances hors de ce monde, pour expliquer le sacrifice ?" (Mémoires d'Outre-Tombe, IV, Flammarion Grand Format, 1982, p. 581).
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Et que dire de cette merveilleuse phrase sur "l'infini" , où se trouve, exprimé en quelques mots, tout le travail du poète: " L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte avec lui l'immensité. Tel accent échappé de votre sein, ne se mesure pas, et trouve un écho dans des milliers d'âmes : qui n'a point en soi cette mélodie, la demandera en vain à l'univers. Asseyez-vous sur le tronc de l'arbre abattu au fond des bois ; si dans l'oubli profond de vous-même, dans votre immobilité, dans votre silence, vous ne trouvez pas l'infini, il est inutile de vous égarer aux rives du Gange." (p. 587, Flammarion, IV, op. cit.) .
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Et encore cette phrase, qui relativise l'importance de la littérature : "Le plus beau livre de la terre, ne vaut pas un acte inconnu de ces martyrs sans nom dont Hérode avait mêlé le sang à leurs sacrifices" (p. 600 et 601, Flammarion, IV, op. cit.)
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Et enfin, cette phrase ultime, qui clôt les Mémoires d'Outre-Tombe : "Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse, après quoi, je descendrai hardiment le Crucifix à la main, dans l'Eternité." (p. 606, op. cit.). Dans cette phrase, la mort n'est pas chasseresse (voir l'image du "Grand Veneur de la Mort", Mémoires d'Outre-Tombe, II, Classiques de Poche, 2003, p. 543), elle n'est pas prédatrice , comme dans la phrase concernant la mort de Talleyrand ("la mort le cherchait de la part de Dieu et elle l'a enfin trouvé", Flammarion, IV, p. 566, op. cit.). Dans la dernière phrase dont le rythme, la cadence sont soigneuseusement étudiés (syllabes réparties en groupes réguliers : 5, 3 ,5, 3, 4, 3, 4, 3, 5), on assiste à une théâtralisation de la mort : c'est Chateaubriand qui, loin de subir la mort, comme d'autres, va vers elle, "hardiment" : quelque part, la seule façon de vaincre la mort, sans doute, c'est de l'accepter "hardiment". Chateaubriand est muni, pour seule arme, pour seul viatique, d'un "Crucifix", c'est-à-dire de sa croyance, réaffirmée ici, en un "christianisme catholique" ("je ne trouve de solution à l'avenir que dans le christianisme, et dans le christianisme catholique", Flammarion, IV, p. 596, op. cit.).
Le mot "Eternité" n'annonce pas une fin, mais le début d'une immensité.
On pense à Rimbaud :
"Elle est retrouvée
Quoi ? l'éternité
C'est la mer allée
Avec le soleil".
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Je viens d'achever, en ce 5 Mars 2009, à huit heures du matin, la lecture des trois mille pages des Mémoires d'Outre-Tombe, lecture sans cesse commencée, puis abandonnée, puis reprise, depuis vingt ans...J'avais acheté le tome IV des Mémoires dans l'édition Flammarion Grand Format (1982), il y a vingt ans, bientôt, le 28 Juin 1989, à Laxou (Meurthe-et-Moselle) , en perspective de la préparation de l'Agrégation de Lettres Modernes (1990) . Le sujet de la Composition Française, d'une durée de sept heures, devait être , en cette année 1990 : "Chateaubriand écrit dans les Mémoires d'Outre-Tombe (quatrième partie, II, 13) : "Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose m'arrive à l'égard des sociétés et des hommes." Dans quelle mesure cette réflexion du mémorialiste éclaire-t-elle votre lecture de la quatrième partie des Mémoires d'Outre-Tombe ?" Ce sujet , je le comprends aujourd'hui, consistait à montrer les Mémoires, écrits en trente ans, comme un immense palimpseste.
Toujours est-il que j'échouai à l'Agrégation de 1990 (comme à toutes mes autres candidatures à ce concours). Il était écrit que je ne devais jamais "m'agréger" à cette troupe d'élus. Tout ce que j'écris aujourd'hui n'est-il pas une façon, bien dérisoire, de compenser mes échecs à ladite Agrégation ? L'Agrégation ce sera, pour moi, dans une autre vie : il me reste, auparavant, à présent, à moi aussi, à descendre, "hardiment" , " dans l'Eternité" .


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