mardi 24 février 2009

Mercredi 25 Février 2009. 8H58

Concernant le journaliste républicain et athée Armand Carrel, qui vient de mourir en duel en 1836, à trente-six ans, Chateaubriand, "royaliste et chrétien", écrit ces lignes sublimes : "Beaucoup de Rois, de Princes, de Ministres, d'hommes qui se croyaient puissants ont défilé devant moi : je n'ai pas daigné ôter mon chapeau à leur cercueil, ou consacrer un mot à leur mémoire. J'ai trouvé plus à étudier et à peindre dans les rangs intermédiaires de la société, que dans ceux qui font porter leur livrée : une casaque brochée d'or ne vaut pas le morceau de flanelle que la balle avait enfoncé dans le ventre de Carrel." (Mémoires d'Outre-Tombe, IV, éditions Flammarion Grand Format, Septembre 1982, p. 541).

dimanche 22 février 2009

Mercredi 18 Février 2009.

Comment mieux évoquer les métamorphoses successives provoquées en nous par le temps qui passe, que par ces lignes :"Il est à peine un homme qu'on ne puisse opposer à lui-même : d'années en années, de mois en mois, nous avons écrit, dit et fait tout le contraire de ce que nous avons écrit, dit et fait aujourd'hui. A force d'avoir à rougir, nous ne rougissons plus ; nos contradictions échappent à notre mémoire, tant elles sont multipliées. Pour en finir, nous prenons le parti d'affirmer que nous n'avons jamais varié, ou que nous n'avons varié que par la transformation progressive de nos idées et par notre compréhension éclairée des temps. Les événements si rapides nous ont si promptement vieillis, que quand on nous rappelle nos gestes d'une époque passée, il nous semble que l'on nous parle d'un autre homme que nous, peut-être d'un de nos homonymes, peut-être d'un de nos cousins remué de germain que nous n'avons jamais connu. Et puis, avoir varié, c'est avoir fait comme tout le monde." (Mémoires d'Outre-Tombe, , éditions Flammarion Grand Format, Septembre 1982, p. 516)
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Et que dire, au sujet du Roi Louis-Philippe, de cet art extraordinaire de la diatribe : " Philippe n'est pas un vrai Roi, c'est le Prévôt ou le grand sergent de ville de la Royauté à qui l'Europe crache au visage : le délateur patenté s'essuie et remercie, pourvu qu'on le maintienne dans sa place.
Au reste c'est le seul prince que les Français soient à présent capables de supporter. La dégradation du chef élu, fait sa force : nous trouvons dans sa personne ce qui suffit à nos habitudes de couronne, et à notre penchant démocratique; nous obéissons à un pouvoir que nous croyons avoir le droit d'insulter ; c'est tout ce qu'il nous faut de liberté : nation à genoux nous souffletons notre maître, rétablissant le privilège à ses pieds, l'égalité sur sa joue. Narquois et rusé, Louis XI de l'âge philosophique, le monarque de notre choix conduit dextrement sa barque sur une boue liquide dont le déversoir est à l'égout."(p. 517, op. cit.)
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Et que dire de ces lignes prophétiques, écrites en 1837 : "ce n'est pas la république qui est impossible, mais la monarchie" (p.518, op. cit;) , ou encore : "un Président aujourd'hui remplirait parfaitement les fonctions d'un Roi." (p. 518, op.cit.).
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Et puis voilà le sublime : "nous passons trop promptement pour que la punition de Dieu puisse toujours se placer dans le court moment de notre existence ; la punition descend à l'heure venue; elle ne trouve plus le premier coupable; mais elle trouve sa race qui laisse l'espace pour agir." (p. 521, op. cit.)
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A propos de l'inconstance de "l'esprit français" : "Qui saurait deviner et expliquer comment il adore et déteste tour à tour, comment il dérive d'un système politique à un système diamétralement opposé, comment, la liberté à la bouche et le servage au coeur, il croit le matin à une vérité et est persuadé le soir d'une vérité contraire ? " (p. 528 et 529, op.cit.).
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Il faut voir comment "l'homme aux songes " crée des images inoubliables : "L'époque où nous entrons est le chemin de halage par lequel des générations fatalement condamnées tirent l'ancien monde vers un monde inconnu."(p.529, op. cit. ). Et, enfin , comment lui-même se met en scène en spectateur de la tragédie de l'Histoire : "Et moi, spectateur assis dans une salle vide, loges désertées, lumières éteintes, je reste seul de mon temps devant le rideau baissé avec le silence et la nuit." (p. 533, op. cit.)

Mardi 10 février 2009.

Je lis, page 474 du Tome IV des Mémoires d'Outre -Tombe (éditions Flammarion Grand Format, 1982), la ligne suivante : "Dans Charles X, l'homme m'attendrit, le monarque me blesse". Je pourrais écrire aujourd'hui la phrase exactement inverse, à propos de quelqu'un auquel je pense :"Dans .........,l'homme me blesse, le ........m'attendrit".
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Page 475 (op.cit.), ces lignes remarquables de lucidité : "Quand la société croule, quand les monarchies finissent, quand la face de la terre se renouvelle, Charles X établit à Prague un gouvernement en France, de l'avis de son conseil, MM. de Blacas, de Damas et de Latil entendus. Ne nous raillons pas trop : qui de nous n'a sa chimère ? Qui de nous ne donne sa becquée à de naissantes espérances ? Qui de nous n'a son gouvernement in petto de l'avis de ses passions entendues ? La moquerie m'irait mal à moi, l'homme aux songes. Ces Mémoires que je barbouille en courant, ne sont-ils pas mon gouvernement, de l'avis de ma vanité entendue ? Ne crois-je pas très sérieusement parler à l'avenir, aussi peu à ma disposition que la France aux ordres de Charles X?"
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Comment ne pas me reconnaître, aussi, dans cette autre phrase de la page 482 (op. cit.) : "Telle est ma nature : j'idéalise les personnages réels et personnifie les songes , déplaçant la matière et l'intelligence."