mercredi 31 décembre 2008

Mercredi 31 Décembre 2008. 17H41

Comment, mieux que Chateaubriand, peut-on exprimer la vanité et la précarité de la vie, en deux phrases : "Ma gondole au retour du Lido suivait celle d'une troupe de femmes qui chantaient des vers du Tasse; mais au lieu de rentrer à Venise, elles remontèrent vers Palestrine comme si elles eussent voulu gagner la haute mer : leur voix se perdaient dans l'unisonance des flots . Au vent mes concerts et mes songes !". Et cette phrase est complétée par celle qui ouvre le paragraphe suivant : "Tout change à tout moment et toujours : je tourne la tête en arrière, et j'aperçois comme d'autres lagunes, ces lagunes que je traversai en 1806 allant à Trieste : j'en emprunte la vue à l'Itinéraire." (p. 399, op. cit.).
Emouvante aussi est l'attitude immensément naïve de Chateaubriand, traçant sur le sable le nom de la femme qu'il aimait, en ce geste éternel des amants : "j'ai écrit un nom tout près du réseau d'écume, où la dernière onde vient de mourir; les lames successives ont attaqué lentement le nom consolateur; ce n'est qu'au seizième déroulement qu'elles l'ont emporté lettre à lettre et comme à regret : je sentais qu'elles effaçaient ma vie." (p. 403, op.cit.)

Mercredi 31 Décembre 2008. 14H04

De tout ce que l'on écrit , en racontant nos vies, que restera-t-il, dans deux siècles ? Peut-être seulement une annotation sur le temps qu'il fait... Je n'en veux pour preuve que ces lignes de Chateaubriand , écrites il y a 175 ans , et qui me parlent encore plus , peut-être, que tout ce qu'il a pu écrire de suprêmement philosophique, historique, théologique, poétique , ces lignes extrêmement banales, où l'homme qu'il fut, l'homme ordinaire qu'il fut, un jour, hic et nunc, transparaît tout entier : "le temps était équivoque; il pleuvait par intervalles; la brise autorisait une augmentation de vêtement". (p. 390, Mémoires d'Outre-Tombe, IV, Flammarion Grand Format, 1982). Aussitôt après avoir écrit cette phrase humaine, trop humaine, l'auteur revient à l'évocation de son rôle social, historique, mais avec une extraordinaire ironie, une extraordinaire distanciation : "Ma gloire, enveloppée dans un manteau, opéra sa descente heureusement sans être reconnue". (p. 390, op. cit.). Il faut bien jouer son rôle dans le grand théâtre du monde.

Mercredi 31 décembre 2008. 10H05

L'édition (établie par Jean-Claude Berchet) dans laquelle je lisais, jusqu'à présent, le tome IV des Mémoires d 'Outre-Tombe (Classiques de Poche, 2002) , a fait le choix, respectant, sans nul doute, la dernière volonté de l'auteur, de renvoyer, dans un "Appendice", à la fin de l'ouvrage "le livre sur Venise". C'est pourquoi je choisis de poursuivre ma lecture du Tome IV, dans l'édition Flammarion Grand Format , (qui respecte, elle, le "manuscrit de 1845") , dite "édition du Centenaire", établie par Maurice Levaillant, 1982. Cette édition, elle, ne renvoie pas à la fin de l'ouvrage le "livre sur Venise".
Certes , ces "fragments retranchés", au dernier instant, par l'auteur, sous la pression de son entourage, ne contiennent pas d'éléments grandioses, mais des éléments simples et intimes, qui nous apprennent beaucoup, cependant, sur l'auteur et m'émeuvent particulièrement : " Nous ne pouvons souffrir aucune réputation ; nos vanités prennent ombrage de tout; chacun se réjouit intérieurement quand un homme de mérite vient à mourir : c'est un rival de moins; son bruit importun empêchait d'entendre celui des sots, et le concert croassant des médiocrités." (p. 376 de l'edition Flammarion Grand Format, 1982). Ou bien encore : "Toutes les fois que je suis tombé du sommet de ma fortune, j'ai ressenti une joie inexprimable à rentrer dans ma pauvreté et ma solitude, à jeter bas mes broderies, mes plaques, mes cordons, à reprendre ma vieille redingote, à recommencer les promenades du poète par le vent et la pluie, le long de la Seine vers Charenton ou Saint-Cloud." (p. 380, édition Flammarion Grand Format, 1982).

mardi 30 décembre 2008

Mardi 30 Décembre 2008. 14H56

Ce qui me choque, sous la plume de Chateaubriand, c'est qu'il y a , de la part du Vicomte Chateaubriand, un mépris de caste à l'égard de Rousseau, issu d'une couche sociale inférieure : "Byron arriva riche et fameux à Venise, Rousseau y débarqua pauvre et inconnu ; tout le monde sait le palais qui divulgua les erreurs de l'héritier noble du célèbre commodore anglais ; aucun cicerone ne pourrait vous indiquer la demeure où cacha ses plaisirs le fils plébéien de l'obscur horloger de Genève." ( Mémoires d'Outre-Tombe, IV, p. 422, op. cit.). Le jugement de Chateaubriand est d'une grande injustice en ce qui concerne le style de Rousseau : "A travers le charme du style de l'auteur des Confessions, perce quelque chose de vulgaire, de cynique, de mauvais ton, de mauvais goût ; l'obscénité d'expression particulière à cette époque gâte encore le tableau." (p. 422, op. cit.)
Tout cela est formidablement injuste et trahit l'esprit d'un homme d'une société ancienne , pour lequel le clivage entre les nobles et ceux qui sont issus d'une basse extraction ne peut que perdurer.
Pourtant , c'est Rousseau qui me forma profondément honnête homme , moi qui suis, tout comme lui, issu d'un milieu social modeste, avec des textes extraordinaires, comme celui des Confessions qui s'achève par les lignes suivantes : " Ceux qui liront ceci ne manqueront pas de rire de mes aventures galantes , en remarquant qu'après beaucoup de préliminaires, les plus avancées finissent par baiser la main. O mes lecteurs ! ne vous y trompez pas. J'ai peut-être eu plus de plaisir dans mes amours, en finissant par une main baisée, que vous n'en aurez jamais dans les vôtres, en commençant tout du moins par là." (Confessions, édition Garnier, p. 154 , achevée d'imprimer le 10 Avril 1980).

lundi 29 décembre 2008

Lundi 29 Décembre 2008. 11H30

En 1972, lorsque je préparais ma Licence de Lettres Modernes à la Faculté des Lettres de Besançon (France), je lus et relus, avec une volupté indicible, Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau (1782). J'eus d'ailleurs mon heure de gloire , dans cette même Faculté des Lettres, en faisant un exposé sur "la journée des cerises", (p. 152 et 153 de l'édition Garnier des Confessions, 1980). en présence du professeur Paul Sadrin qui me fit ce compliment inoubliable : "Monsieur, si Jean-Jacques Rousseau avait été là, il aurait été content."
En 2008, soit trente-six ans plus tard, je lis dans les Mémoires d'Outre-Tombe (Tome IV) une page extraite des Confessions de Rousseau et fidèlement recopiée par Chateaubriand, p. 420 et 421, qui consiste en le récit de l'aventure que Rousseau vécut à Venise en compagnie d'une certaine "Zulietta", aventure qui se termine par une formule péremptoire adressée à Rousseau par ladite "Zulietta" : "lascia le donne e studia la matematica" : "laisse les femmes et étudie les mathématiques" (p. 421 des Mémoires d'Outre-Tombe, IV, op.cit. et page 379 de l'édition Garnier des Confessions, 1980).
J'ai donc renoué avec Rousseau, ce matin, par Chateaubriand interposé. Quant à la phrase prononcée par "Zulietta", je me suis dit que si une femme , ces jours-ci, m'adressait la même phrase à moi-même, je peux dire que je me dirais , en mon for intérieur, que mon inclination, ces jours-ci , ne va à rien d'autre qu'à des choses purement immatérielles. Comme "l'étranger" du poème en prose de Baudelaire (Petits poèmes en prose, 1869) , que l'on questionne sur ce qui suscite en lui de l'intérêt, je crois que je pourrais répondre, tout comme lui : "J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... les merveilleux nuages".

dimanche 28 décembre 2008

Dimanche 28 Décembre 2008. 9H48

La mort est omniprésente dans certaines phrases du Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe . Ainsi : " Antonio me disait : "Quand ce cimetière sera plein, on le laissera reposer, et on enterrera les morts dans l'île Saint-Michel de Murano." L'expression était juste : la moisson faite, on laisse la terre en jachère et l'on creuse ailleurs d'autres sillons." (fin du chapitre 9, Livre trente-neuvième, p.413, op.cit.)
Mais , dans le chapitre suivant (chapitre 10 du Livre trente-neuvième), qui s'ouvre par cette phrase qui poursuit la métaphore du chapitre précédent "Nous sommes allés voir cet autre champ qui attend le grand laboureur.", il y a cette phrase que je juge violente (à moins que je ne la comprenne pas) : "un jardin rempli de fleurs va rejoindre le gazon dont l'engrais se prépare encore sous la peau fraîche d'une jeune fille." (p. 413, op.cit.)

vendredi 26 décembre 2008

Vendredi 26 Décembre 2008. 16H43

J'admire la force inouïe des images, des métaphores, dans le Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe : "Les images empruntées de la nature montagneuse ont surtout des rapports sensibles avec nos fortunes ; celui-ci passe en silence comme l'épanchement d'une source ; celui-ci attache un bruit à son cours comme un torrent ; celui-là jette son existence comme une cataracte qui épouvante et disparaît" (p. 383, op.cit.)
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A-t-on lu, au XXI° siècle, Chateaubriand ? Lors de la dernière campagne présidentielle, en France, en 2007, la candidate Ségolène Royal, avait créé un site internet :"Désirs d'avenir". Or, je lis, dans les Mémoires d'Outre-Tombe, Tome IV, cette phrase écrite par Chateaubriand, à Venise (Hôtel de l'Europe), le 10 Septembre 1833, et qui fait, étrangement, écho au nom du site de Ségolène Royal : "Les débris d'une ancienne société qui produisit de telles choses, ne vous laissent aucun désir d'avenir". (p. 392, op. cit.)

Vendredi 26 Décembre 2008. 11H00

La rapidité des associations d'idées dans le cerveau de Chateaubriand, qui rédige son "Journal de Paris à Venise" (Mémoires d'Outre-Tombe, IV, p. 381 à 388) aboutit, quelquefois, à une rédaction qui choque presque l'esprit et qui confine à une forme de violence verbale, et même morale, à force d'alacrité du style, par l'absence même de toute transition : "A Bex, tandis qu'on attelait à ma voiture les chevaux qui avaient peut-être traîné le cercueil de Madame de Custine, j'étais appuyé contre le mur de la maison où était morte mon hôtesse de Fervaques. Elle avait été célèbre au Tribunal révolutionnaire par sa longue chevelure. J'ai vu à Rome de beaux cheveux blonds retirés d'une tombe." (p. 382 et 383, op. cit.)

jeudi 25 décembre 2008

Jeudi 25 Décembre 2008. 16H10

Dans les Mémoires d'Outre-Tombe, IV, cette fulgurance : "Toujours regretter ce qu'il a perdu, toujours s'égarer dans les souvenirs, toujours marcher vers la tombe en pleurant et s'isolant : c'est l'homme." (p. 383, op. cit.)

mardi 23 décembre 2008

Mardi 23 Décembre 2008. 17H26

La force et la beauté d'un poème n'ont rien à voir avec les circonstances de son écriture , ni avec l'humeur de celui qui écrit : pistolet sur la tempe, on peut écrire un poème mièvre ! Il faut se rendre à l'évidence : l'intensité -- celle qui va transporter le lecteur dans l'espace du poème !-- prend sa source ailleurs que dans la joie, ou dans le désespoir !

Mardi 23 Décembre 2008. 10H41

Dans le Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe , que je lis encore et toujours , ces lignes que je juge merveilleuses : "Lecteurs, supportez ces arabesques ; la main qui les dessina ne vous fera jamais d'autre mal ; elle est séchée. Souvenez-vous, quand vous les verrez, qu'ils ne sont que les capricieux enroulements tracés par un peintre à la voûte de son tombeau." (p. 360, op. cit.)

lundi 22 décembre 2008

Lundi 22 Décembre 2008. 16H46

Romilly-Sur-Seine.
Troisième jour de vacances, en compagnie de mon fils Alexandre...Samedi 20 et Dimanche 21 Décembre : visite à l'Espace Alzheimer d'une maison de retraite, pour essayer d'entrer en contact avec celle qui me donna la vie, lui dire ma tendresse au milieu d'autres malades, prostrés ou agressifs...
Aujourd'hui lundi 22 Décembre, j'ai achevé d'écrire, tôt ce matin, quelques textes liés à l'engagement politique qui fut le mien en Mars 2008 : après la défaite de la liste sur laquelle je figurais en bonne place , je ne peux me résoudre à quitter le navire en train de couler (je laisse cela aux rats), et je veux témoigner de ma fidélité encore et encore à ceux qui m'avaient propulsé dans le rôle de "futur premier Adjoint au Maire de la ville de Romilly-Sur-Seine"...
Je me souviens de Joe Triché, Conseiller Général communiste du canton de Romilly 1, lorsque je vins à la permanence du Parti Communiste, faire acte d'allégeance, et de la seconde où il me demanda si j'acceptais les fonctions de Premier-Adjoint...
Je m'engageai dans la campagne : distributions de tracts, porte-à-porte...Un dimanche matin, Fethi Cheikh, Secrétaire du Parti communiste de la Section de Romilly, m'offrit un café noir dans un Bar-PMU...Puis , sur le trottoir, comme nous étions en train de distribuer des tracts, il me montra quelqu'un qui s'approchait de nous, en me disant, au creux de l'oreille : " c'est la tête pensante de la Droite à Romilly-Sir-Seine"...Cette tête pensante nous interpella, en disant : "vous n'êtes pas à la messe ?". Je répondis à cet individu : "Monsieur, nous sommes trop mécréants, que le Seigneur nous pardonne !"....
Puis il y eut le meeting où François Hollande et Marie-George Buffet vinrent soutenir notre liste...Au nom de ces souvenirs d'un combat commun, je continue à me battre aux côtés de ceux qui n'ont pas quitté le navire, après le naufrage de la défaite, le 16 Mars 2008... Telle est ma conception de l'honneur, qui semblera, peut-être, à certains, bien dérisoire, mais c'est ainsi.
Enfin, ce soir, je décide de consacrer le temps à la "lecture-plaisir", à "l'écriture-plaisir", qui est très loin de l'écriture des textes administratifs que l'on attend de moi dans la vie professionnelle.
Le Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe est sur ma table de chevet : je demeure ébloui par le fragment qui s'intitule "Journal de Carlsbad à Paris" (p.334 à 363, op. cit.)...Ce sont des pages où le texte s'envole, il n'y a pas d'autre mot.

lundi 15 décembre 2008

Mardi 16 Décembre 2008. 5H37

J'éprouve une volupté sans fin à lire et relire ce sonnet de Du Bellay, extrait des Regrets (1558), (5, p. 71 de l'édition de poche Poésie/Gallimard, 1986) :

"Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,

Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,

Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,

Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange,
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur."

mercredi 12 novembre 2008

Mercredi 12 Novembre 2008. 20H42

Je dépose des textes dans des "forums poétiques", où des "commentateurs" me répondent, par des commentaires , souvent élogieux, quelquefois désobligeants : ces derniers m'attristent ; je n'ai pas la force de devenir l'homme selon Kipling :
"Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux, pour exciter des sots..."
Vous pensez peut-être, lecteur bénévole : " que diable allait-il faire dans cette galère ?", et vous n'avez pas tort.
Ce qui me pose problème, c'est l'anonymat de mes détracteurs : rien ne m'est plus odieux qu'une lettre anonyme . Le code de l'honneur, en ce début du XXI° siècle, est, décidément, mal en point.
Et puis l'admiration, ces jours-ci, d'une certaine personne (qui se reconnaîtra) pour deux poèmes en prose que j'ai écrits il y a assez longtemps ("Saint-Pétersbourg" et "L'amour") m'a fait, ces jours-ci , me poser une question : mon talent poétique ne décline-t-il pas, ces dernières années, au regard de ces textes poétiques déjà lointains ?
Enfin, j'ai pensé à d'autres textes , détruits, à mon insu et contre mon gré, à l'état de manuscrits dont je ne possédais qu'un seul exemplaire, par une certaine personne. Je me suis dit que j'étais incapable, cinq ans après, de les reconstituer de mémoire , et même de tenter de les ré-écrire : l'écriture d'un poème ne naît-elle pas de la conjonction d'événements de la vie intime, d'états d'âmes particuliers dont l'unicité tient à ce qu'Apollinaire appelait la "couleur du temps" ? L'un de ces textes parlait de "Marie Stuart", l'autre, d'un personnage de la mythologie : "Narcisse".
La destruction de ces textes me fait penser à l'extrême vulnérabilité des "ouvrages de l'esprit" . Que serions-nous, que serait la culture française, si Les Fleurs du Mal avaient été détruits, à l'état de manuscrits, avant même d'être édités ? De poser cette question ("sans elles, qu'y aurait-il de changé à la culture du monde ?") jette un éclairage pertinent sur ces oeuvres de l'esprit .

dimanche 2 novembre 2008

Dimanche 2 Novembre 2008. 15H53

Dans les Mémoires d'Outre-Tombe, Tome IV, page 306, Chateaubriand, pour commenter l'état moral de la France de 1833, écrit : "or, nous sommes terre à terre dans la triste réalité d'une nature humaine amoindrie."
Ne pourrions-nous en dire tout autant de la France de 2008 ?

Dimanche 2 Novembre 2008. 13H39

Un souvenir en entraîne un autre : à quinze ans, je lisais les poèmes , comme d'autres goûtent au fruit défendu. La scolarité, au lycée, ne me passionnait guère : c'est un doux euphémisme ! Mon père, ayant appris, un soir, que je devais avoir un Contrôle d'Histoire-Géographie, le lendemain, au lycée, entreprit de vérifier que je révisais bien mon cours d'histoire. Il découvre, soudain, que je lis "Les derniers poèmes d'amour" d'Eluard , dans l'édition de Poche , chez Seghers. Ce qu'il fit, alors, fut pour moi une durable blessure et devait être une image rémanente , pendant longtemps : il jeta le livre dans le poêle à charbon, où, impuissant, je le vis se consumer.
Tout cela me semble bien lointain et bien dérisoire, à moi, qui , il y a quelques jours, ai déposé un pot de bruyère sur la tombe de mon père, où , malgré les ravages du temps, on peut encore lire, cette phrase de la Bible : "l'Eternel est près de ceux qui ont le coeur brisé".
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Pourtant , mon père, issu du monde ouvrier, n'était pas insensible à la poésie et n'était pas sans culture : après une fugue que j'avais faite , à douze ans, jusqu'à Marseille, il me dédicaça un exemplaire des Confessions de Rousseau, en ces termes : "Jean-Jacques Rousseau, Arthur Rimbaud, Michel Conrad, la lignée des fugitifs. Bon courage, mon petit !" "Fugitif", ce mot, tout compte fait, me caractérise bien , même si, aujourd'hui, mes voyages sont plutôt imaginaires. Disons que je suis un fugitif immobile, un "voyageur autour de ma chambre".
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Alors qu'il n'y avait aucun livre à la maison, je découvris, malgré tout, dans les affaires de mon père, un livre minuscule, qui tenait dans une paume, illustré d'aquarelles et publié chez Gründ : Les Fêtes Galantes , de Verlaine. Ce livre aussi a beaucoup compté dans la conception que je me suis faite de la poésie.

Dimanche 2 Novembre 2008. 13H16

En septembre 1963, il y a quarante-cinq ans, j'étais lycéen, en classe de Seconde, au Lycée Poincaré de Nancy (Meurthe-et-Moselle, France). Mon professeur de français (dont j'ai oublié le nom) interpella, à la fin d'un cours, les trente-cinq élèves de la classe de Seconde dont je faisais partie (la plupart étant issus de la bourgeoisie nancéienne --ce qui n'était pas mon cas), en ces termes : "je vous mets, tous, au défi d'utiliser, en sortant d'ici, votre argent de poche pour acheter Les Fleurs du Mal de Baudelaire dans une édition de Poche, au lieu d'aller acheter un paquet de cigarettes ou un billet de cinéma !"
Piqué au vif, je courus acheter Les Fleurs du Mal de Baudelaire dans l'édition prescrite, comme on va voler un fruit défendu, dans un jardin qui nous est interdit. Peut-être ai-je été le seul élève de la classe à acheter ce livre, ce jour-là ! Mais de la lecture des Fleurs du Mal est né mon inextinguible amour de la poésie.
Plus tard, vinrent les découvertes des poèmes d'Apollinaire, Eluard, Aragon, Cadou, Desnos, Breton, et de tant d'autres... Mais je ne peux oublier la couverture de l'exemplaire des Fleurs du Mal acheté en 1963 :" l'Olympia", de Manet, sur fond noir...
Puisse un adolescent d'aujourd'hui, (tel que mon fils A. , qui est en Seconde , comme je l'étais , alors) , lisant ces lignes, courir acheter Les Fleurs du Mal, à son tour !

vendredi 31 octobre 2008

Vendredi 31 Octobre 2008. 9H03

Il y a , dans la Correspondance à Trois (1926) de Pasternak, Rilke, Tsvétaïeva, cette expression merveilleuse de Rilke : "nous nous frôlons, comment ? par des coups d'aile."

mercredi 8 octobre 2008

Mercredi 8 Octobre 2008. 15H03

Romilly-Sur-Seine.
La télévision nous montre, hier soir, une émission sur "le suicide au travail": on nous donne à voir les remords de la femme d'un "ingénieur-développement", chez Renault , remords de n'avoir pas agi à temps : que pouvait-elle faire ? La caméra nous montre, en contre-plongée , la passerelle d'où l'ingénieur s'est jeté... S'ensuivent les propos de l'avocate de la famille de l'ingénieur...
Dans la même journée d'hier, on me raconte l'histoire d'un ouvrier qui s'enferme dans un local, en disant qu'il va "se trancher la gorge" et que "c'est à cause de son patron." J'éprouve une grande compassion pour tous ceux que broie le travail.
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Hier, également, toutes les chaînes de télé nous montrent l'exposition "Picasso et les Maîtres", au Grand Palais. La caméra montre les oeuvres de Titien, Velasquez, Goya, Zurbaran, Poussin, Ingres, Manet, Cézanne, Van Gogh, mêlées à celles de Picasso . Je retiens surtout qu'un artiste qui veut forger son oeuvre personnelle ne peut se passer d'une ardente réflexion sur les oeuvres des autres artistes. Il en va de même pour la littérature.

mardi 7 octobre 2008

Mardi 7 Octobre 2008. 20H56

Romilly-Sur-Seine.
Dimanche 5 Octobre
: je note deux phrases des Mémoires d'Outre-Tombe : "rien ne brise le coeur comme la simplicité des paroles dans les hautes positions de la société et les grandes catastrophes de la vie."' (p. 259, IV, op. cit.). Et ceci, encore : Charles X , en exil à Prague, en 1833, attend la visite de Chateaubriand, et dit à ses petits-enfants : "Devinez qui vous verrez demain : c'est une puissance de la terre !" (p. 266, IV, op. cit.) Qu'un grand écrivain puisse être qualifié de "puissance de la terre" par un roi, même s'il s'agit d'un roi déchu, un roi exilé, m'émeut.
Lundi 6 Octobre : j'ai pensé, je ne sais pourquoi, à ce Proviseur mort il y a plus de quinze ans, dans l'exercice de ses fonctions, à Thionville (Moselle). Atteint d'un cancer qui s'était propagé à la colonne vertébrale, il venait travailler, chaque jour, dans un corset de plâtre, autour du torse, dont nous nous amusions, nous, ses collègues, en toquant dessus, avec l'index. Comme on fait toujours dans ces cas-là, nous lui parlions comme s'il allait ne jamais mourir.
Mardi 7 Octobre : à mon fils A., qui me dit au téléphone que ses études l'ennuient , je réponds que je me suis , tout comme lui, énormément ennuyé au lycée. J'ai découvert le plaisir intellectuel des études seulement à la Faculté des Lettres de Besançon (Doubs), en préparant ma Licence es Lettres Modernes, en 1972. Je me souviens d'un exposé que j'avais fait devant mes condisciples sur une page des Confessions de Jean-Jacques Rousseau (la journée des cerises) . A la fin de mon exposé, le commentaire de l'enseignant (Paul Sadrin) m'est allé droit au coeur : "Monsieur, si Jean-Jacques Rousseau avait été là, il aurait été content."

dimanche 5 octobre 2008

Lundi 6 Octobre 2008.6H29

Romilly-Sur-Seine.
Hier , dans le village où se trouve blottie, face à l'église, ma maison lorraine, mon voisin, m'invite à boire l'apéritif, à midi. Le voisin, devant sa soeur, rappelle que j'écris de la poésie, que je publie sur internet. Sa soeur m'apprend qu'elle écrit de la poésie, elle aussi, et a obtenu un prix de la Société des Poètes français.
Je me mets à parler de toute la trajectoire de ma vie de poète, ou du moins de celle que je veux bien montrer, comme, sur ce blog, je choisis d'écrire certaines choses de ma vie, et de ne pas tout dire de ce qu'il m'arrive dans ma vie.
Bref , de ma vie je raconte les échos qu'eurent mes textes, les déceptions entre ce que l'on imagine du pouvoir de la poésie et son pouvoir réel, cette soirée mondaine, il y a trente ans, à Jussey (Haute-Saône), dans un domicile privé, où l'on me demande de lire en public des poèmes, accompagné d'un pianiste et où je découvre que la maîtresse de maison, à qui je demande un exemplaire d'un de mes recueils, n'en a même pas coupé les pages !
Je parle de cette étudiante d'hypokhâgne qui , il y a vingt ans, m'écrit de Jarny (Meurthe-et-Moselle) sans m'avoir jamais rencontré : "je cherche votre adresse depuis des mois, j'anime une émission dans une radio locale et je voudrais vous consacrer une émission que j'intitulerais : Michel CONRAD, Sol, Soleil, Solitude". J'explique que , sans que je sache vraiment pourquoi, je n'ai pas daigné me rendre dans cette radio locale de Jarny, et que je n'ai jamais rencontré cette admiratrice inconnue.
Je raconte que j'ai découvert récemment, grâce à internet, qu'un de mes recueils de poèmes, Le Soir dans les Jardins, se trouve à la Library of Congress de Washington, et que j'aimerais rencontrer le diplomate qui a fait traverser l'Atlantique à cette plaquette de onze pages imprimée, à cent exemplaires, à compte d'auteur, par l'Imprimerie Néo Typo de Besançon (Doubs) en 1976.
J'oublie de raconter ce lundi 17 Décembre 2001, où dans une librairie de Charmes (Vosges), je découvre le livre de Bernard Lorraine "Panorama de la Poésie en Lorraine"(Editions Serpenoise, 1999), où une page m'est consacrée . Alors que je me promettais de faire les démarches pour le rencontrer, Bernard Lorraine meurt en Mars 2002, à Neufchâteau (Vosges), sans que j'aie pu le remercier.
Ces personnes (la jeune fille d'hypokhâgne , le diplomate inconnu, Bernard Lorraine), ce sont les rendez-vous manqués de ma vie, à jamais , et pour "les siècles des siècles", comme disait le pasteur, dans mon enfance, quand j'assistais au culte protestant, au Temple de Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Après m'avoir longuement écouté, la soeur de mon voisin me dit que je dois absolument découvrir l'oeuvre d'un poète, dont elle écrit le nom sur un post-it, qu'elle me donne : "Boris Gamaleya".
Rentré dans ma maison lorraine, j'apprends, par internet, que Boris Gamaleya est né en 1930 à la Réunion . Communiste, professseur de Collège, il est victime de l'ordonnance Debré du 15 Octobre 1960, autorisant les pouvoirs publics à procéder à l'exil forcé en métropole des fonctionnaires de l'outre-mer troublant l'ordre public. Boris Gamaleya écrit, à Romainville, où il est exilé, Vali pour une reine morte de 1960 à 1972, puis, après une grève de la faim en 1972, obtient de rentrer à la Réunion où il publie en 1973, à compte d'auteur, Vali pour une reine morte.

samedi 4 octobre 2008

Dimanche 5 Octobre 2008. 5H23

Dans ma maison, en Lorraine.
Vendredi 3 Octobre 2008, j'étais dans une réunion professionnelle, dans un Collège de la banlieue de Troyes. Il y avait là des Chefs d'Etablissement , une représentante du Centre Départemental d'Accès au Droit et des représentants de l'Inspection Académique. Tous ces gens parlaient de choses excessivement sérieuses , comme , par exemple, "l'ordonnance de 1945" concernant la Justice des mineurs, etc.
Dans le groupe que nous constituions, , il y avait B. , dont je fus l'Adjoint , de Septembre 2005 à Juin 2006. Après la réunion, nous allâmes dans la salle où, dans ce Collège, se trouvait exposée "l'exposition 13/18 " qui constitue une initiation des jeunes à ce qu'ils doivent savoir concernant la Justice. Je m'adressai à B. : comment cela se passait-il dans le nouveau Collège qu'il dirigeait ? Avec sérieux et morosité (B. est un homme de peu de paroles) , il me parla de la rénovation en cours des bâtiments, qui était plus que nécessaire, etc.
Soudain, je demandai à B. ce que devenait sa fille, que j'avais connue élève de 3°, en 2005-2006. Son visage s'illumina : pendant qu'il me parlait, avec un enthousiasme non feint, des succès scolaires et artistiques de sa fille, de son "nouveau violon, confectionné sur mesure par un luthier de Bruxelles", de "l'archet au carbone qu'elle utilise désormais", je pensai à deux phrases : d'abord , à une phrase du Père Goriot , dans le roman de Balzac qui porte ce nom : "quand j'ai été père, j'ai compris Dieu", et ensuite à un proverbe persan : "celui qui n'a pas d'enfant n'a pas de lumière dans les yeux."

Samedi 4 Octobre 2008. 18H47

Quarante-cinq années d'écriture m'ont appris que l'écriture, comme tous les arts majeurs , est une chose infiniment grave, qui a à voir avec le temps qui passe, avec notre si brève éternité humaine, et donc avec la décrépitude, et la mort.
Il est bon que la jeunesse soit insouciante, audacieuse, qu'elle aille au-devant des difficultés de la vie, avec l'enthousiasme et l'innocence que nous avons eues, nous aussi, à vingt ans. C'était , comme dit la chanson d'Aznavour, "hier encore..."
C'est dans le regard des autres que nous découvrons, soudain, chaque jour, plus sûrement que dans un miroir, qui nous sommes devenus. Et il suffit de regarder nos parents s'avancer dans le grand âge, pour savoir qui nous serons.

mercredi 1 octobre 2008

Mercredi 1 Octobre 2008. 18H32

Hier soir, Mardi 30 Septembre 2008, j'étais à une réunion "politique". Nous étions cinq, autour d'une table ronde, dans la nuit sur Romilly-Sur-Seine. L'un de mes interlocuteurs me dit : "notre objectif, ce sont les Elections Municipales de 2014 !". Cette date me parut, soudain, infiniment lointaine, et comme à des années-lumière de cet "hic et nunc" : le dernier jour de Septembre 2008. Je pris conscience qu'en nous assignant un objectif aussi lointain, nous étions en train de devenir des marathoniens du temps qui passe.
D'ailleurs, la vie tout entière n'est-elle pas un marathon, un marathon qui finit mal, puisque c'est la Mort qui nous attend, sur la ligne d'arrivée ?
Quand la réunion prit fin, comme chacun partait vers son domicile, au moment où je sortais du local où nous nous trouvions, un membre de notre groupe me dit, par plaisanterie, Dieu sait pourquoi : "et ne va pas dévaliser la Banque !" Avais-je une tête à ça ?
Rue de la Boule d'Or, sur le chemin de mon appartement de fonction, j'eus envie de courir, sans en avoir la force, en pensant à cette phrase de Mai 1968, cette phrase de mes vingt ans : "cours vite, camarade, le vieux monde est derrière toi !"

dimanche 28 septembre 2008

Dimanche 28 Septembre 2008. 18H40

"Misérable miracle" est le titre d'un livre d'Henri Michaux, consacré à une drogue, la mescaline, que je n'ai pas lu. Mais je pense, souvent, à cette expression, que je trouve très forte, à cause, évidemment, de l'oxymore violent qu'elle contient. C'est un peu comme ce titre d'André Breton : "Poisson soluble", où deux mots se contredisent de la façon la plus flamboyante possible, jusqu'à s'anéantir, mutuellement.
Quant à ce "misérable miracle", je dirais que cette expression, à mes yeux, pourrait caractériser , de la façon la plus précise possible, la vie humaine. En effet, quoi de plus miraculeux que la vie, la pensée, les heures du petit matin, dans un jardin dont l'herbe est couverte de rosée ? Quoi de plus misérable que la vie qui s'étiole et que le temps dévore, jour après jour, heure après heure, jusqu'à ce que l'huile de la lampe soit, tout entière, consumée ?

samedi 20 septembre 2008

Dimanche 21 Septembre 2008. 8H14

Hier, la télévision française retransmettait un concert franco-québecois, qui s'est déroulé, cet été, au Québec, à l'occasion des 400 ans de la fondation du Québec : en regardant tous ces Québecois rassemblés chanter en choeur des chansons françaises, je me suis dit que ce n'est pas l'espace géographique qui constitue une patrie : une patrie, c'est avant tout un espace linguistique, intellectuel, mental, que les mots tissent un peu plus chaque jour.

jeudi 18 septembre 2008

Vendredi 19 Septembre 2008.6H44

Si le temps du poème est le "temps suspendu", le temps de la tragédie classique est un temps resserré autour de l'inéluctable, alors même que les personnages croient pouvoir y échapper, ou en être, à jamais, sortis :
"Le temps n'est plus, Seigneur, où je pouvais trembler"
dit un personnage de Racine, cherchant à ne pas voir cet inéluctable de la tragédie qui s'est resserré autour de lui, tout comme l'espace, au sein de la règle dite des "trois unités" : temps, lieu, action.

dimanche 14 septembre 2008

Dimanche 14 Septembre 2008. 9H33

Dans ma maison, en Lorraine...

Il est temps, pour moi, de rendre hommage, à la poésie de Guillaume Apollinaire. Ma vocation de poète est tout droit sortie d'un "Livre de Poche" qui , dans les années 1960, proposait une sélection de poèmes d'Apollinaire , sous une couverture bleu ciel, sur laquelle étaient reproduites, je crois, les lignes verticales et légèrement obliques du merveilleux poème qui commence par : "Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes, même dans le souvenir..."
Aujourd'hui , sans que je sache pourquoi, c'est un quatrain d'Apollinaire qui résonne, dans ma mémoire, depuis quelques jours :

"Du joli bateau de Port-Vendres
Tes yeux étaient les matelots
Et comme les flots étaient tendres
Dans les parages de Palos."

Il y a tout dans ce quatrain : une harmonie des sons (par des répétitions de sons, qui créent une musicalité et un rythme, comme le bercement de la mer) et du sens , avec cet imparfait de l'indicatif , répété d'un vers à l'autre, qui permet, dans la langue française, de suspendre le temps : "étaient".
J'aurais tendance à nommer ce temps verbal , non pas "l'imparfait" de l'indicatif, mais le "temps suspendu" de l'indicatif. Car c'est, non pas d'un "imparfait" dont il s'agit, mais d'une parfaite plénitude, d'un moment de bonheur inachevé, comme tous les moments de bonheur, sans doute, et que les magie des mots, ici, nous restitue.

mercredi 3 septembre 2008

Mercredi 3 Septembre 2008. 16H26

Pour un apprenti écrivain d'aujourd'hui, qui se pique d'écrire, il faudrait faire l'analyse et la dissection de phrases comme celle-là : "Auprès des guinguettes furent plantés des acacias, ombrages des pauvres comme l'eau de Seltz est le vin de Champagne des gueux." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, Livre trente-sixième, chapitre I, p. 209).
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Et puis il y a cette fulgurance : "Matière de songes est partout" (p.223, op.cit.).
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Et encore cela : "Le 19 Mai, à midi, j'avais quitté Ulm. A Dillingen les chevaux manquèrent. Je demeurai une heure dans la grande rue, ayant pour récréation la vue d'un nid de cigognes planté sur une cheminée comme sur un minaret d'Athènes ; une multitude de moineaux avaient fait insolemment leurs nids dans la couche de la paisible reine au long cou. Au-dessous de la cigogne, une dame, logée au premier étage, regardait les passants à l'ombre d'une jalousie demi-relevée ; au-dessous de la dame était un saint de bois dans une niche. Le saint sera précipité de la niche sur le pavé, la femme de sa fenêtre dans la tombe : et la cigogne ? elle s'envolera : ainsi finiront les trois étages." (p. 226 et 227, op.cit.)
Ainsi parlait François-René en 1833, quinze ans avant sa mort en 1848. Et moi-même, qui recopie méticuleusement ces phrases de Chateaubriand, en ce 3 Septembre 2008 , comment finirai-je ? Et vous, qui me lisez ?
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Et puis cette extraordinaire mise en perspective historique : "En 1793, la République enleva de l'église de Blenheim les guidons arrachés à la monarchie en 1704 : elle vengeait le royaume et immolait le roi : elle abattait la tête de Louis XVI, mais elle ne permettait qu'à la France de déchirer le drapeau blanc." (p. 227, op. cit.)

dimanche 31 août 2008

Dimanche 31 Août 2008. 11H04

L'art du pamphlet est un art à part entière. Dans ce domaine aussi, Chateaubriand excelle : "Or, il n'est pas inutile aux hommes qu'un homme s'immole à sa conscience ; il est bon que quelqu'un consente à se perdre pour demeurer ferme à des principes dont il a la conviction et qui tiennent à ce qu'il y a de noble dans notre nature : ces dupes sont les contradicteurs nécessaires du fait brutal, les victimes chargées de prononcer le veto de l'opprimé contre le triomphe de la force;" (p.189 et 190, op.cit.)

samedi 30 août 2008

Samedi 30 Août 2008. 17H56

Ma devise préférée, par instants, est celle des anarchistes : "Ni Dieu, ni Maître". En écrivant le mot "maître", dans ce contexte, je pense surtout aux maître spirituels, aux gourous de tout poil, à ceux qui s'instituent les maîtres à penser d'autrui.
Si Chateaubriand est un maître, à mes yeux, c'est, essentiellement, un maître à écrire : "Si j'ai jamais senti à la fois la vanité et la vérité de la gloire et de la vie, c'est à l'entrée du bois silencieux, obscur, inconnu, où dort celle qui eut tant d'éclat et de renom, et en voyant ce que c'est que d'être véritablement aimé." (p. 184, op. cit.)

Samedi 30 Août 2008. 11H13

Lu les pages 181 à 208 du Tome IV des Mémoires d'Outre-Tombe (Classiques de Poche). Je prends en note des phrases, que je recopie dans un cahier d'écolier, comme quelqu'un classerait de jolies fleurs dans un herbier . Aujourd'hui, l'âge aidant, peut-être, une phrase bien écrite me semble avoir la perfection absolue d'un joyau. Je suis sensible au style, plus que jamais, sans pour autant, du moins je l'espère !, être capable d'admirer une phrase très bien écrite que je réprouverais sur le plan moral et philosophique.
Ainsi (p. 181, op. cit.) : "si j'eusse été libre et seul, j'aurais demandé aux moines quelque trou dans leurs murailles pour y achever mes Mémoires auprès d'une chouette ; puis je serais allé finir mes jours sans rien faire sous le beau soleil fainéant de Naples ou de Palerme : mais les beaux pays et le printemps me sont devenus des injures, des désastres et des regrets."
Ou encore , cette citation que Chateaubriand fait de l'un de ses ouvrages, René : "La famille de l'homme n'est que d'un jour ; le souffle de Dieu la disperse comme une fumée. A peine le fils connaît-il le père, le père le fils, le frère la soeur, la soeur le frère ! Le chêne voit germer ses glands autour de lui, il n'en est pas ainsi des enfants des hommes !" (p. 182 et 183, op.cit.)
Quel plus beau lamento concernant le temps qui passe et la précarité de la vie ?

mercredi 27 août 2008

Jeudi 28 Août 2008. 6H18

Lu, hier, avec beaucoup d'admiration, les pages 165 à 172 du volume IV des Mémoires d'Outre-Tombe (Classiques de Poche). Chateaubriand a 64 ans : c'est un (presque) déjà vieux monsieur qui écrit comme un jeune homme. Ecrivain consacré (nous sommes en 1832), il n'a plus rien à prouver, ni à se prouver, il n'a plus qu'à exprimer son appétit de vivre, comme un feu mal éteint. Et cela donne ces éclats de lumière que donne la braise d'un feu de cheminée qui ne veut pas s'éteindre et qui luit dans le noir : "Le paysage n'est créé que par le soleil ; c'est la lumière qui fait le paysage" (p.165, op. cit.). "Faites-moi aimer, et vous verrez qu'un pommier isolé, battu du vent, jeté de travers au milieu des froments de la Beauce [...] toutes ces petites choses, rattachées à quelques souvenirs, s'enchanteront des mystères de mon bonheur ou de la tristesse de mes regrets." (p.167, op. cit.).

C'est, évidemment, un homme ardemment amoureux qui écrit ces lignes. A son arrivée au bord du lac de Constance, il feint une coïncidence : tandis qu'il attendait Madame de Chateaubriand, "Madame Récamier était arrivée depuis deux jours pour faire une visite à la reine de Hollande" (p.171, op. cit.). Par une extraordinaire coïncidence , elle descend dans la même auberge ! "Dans la ville délabrée de Constance, notre auberge était fort gaie [...] Madame Récamier voulut se mettre à l'abri de la joie de nos hôtes : nous nous embarquâmes sur le lac..." Après une petite traversée, ils abordent à la "grève d'un parc" où, au terme d'une promenade en tête-à-tête, Chateaubriand écrit sur les "tablettes" de Madame Récamier :"Que mes jours expirent à vos pieds, comme ces vagues dont vous aimez le murmure." (p.172, op. cit.).

Au retour de cette promenade, ils rencontrent (p. 172, op. cit.) la reine de Hollande et son fils, le futur Napoléon III, alors âgé de 24 ans, dont Chateaubriand qui mourra en 1848, ne verra pas l'avènement. Mais c'est comme si la suite de l'Histoire de France, l'Histoire de France d'au-delà de sa propre vie, venait à sa rencontre, là, sur les rives du lac de Constance, et je ne peux m'empêcher de penser que Chateaubriand avait, en son for intérieur, la prescience de qu'allait devenir le jeune "Louis-Napoléon".

vendredi 22 août 2008

Vendredi 22 Août 2008. 17H32

Sur le chemin de l'exil, en 1832, en Suisse, dans la vallée de Schoellenen, Chateaubriand évoque une cascade que l'on découvre depuis le "Pont du Diable" : "Pour jouir des arcs-en-ciel et des rejaillissements de la cascade, il se faut placer sur ce pont ; mais quand on a vu la cataracte du Niagara, il n'y a plus de chute d'eau. Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose m'arrive à l'égard des sociétés et des hommes." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 157)

samedi 16 août 2008

Samedi 16 Août 2008. 19H36

S'adressant à Chateaubriand, en Août 1832, Madame la Duchesse de Berry lui écrit : "Je vois que votre intention est de quitter encore la France, je le regretterais beaucoup si je pouvais vous rapprocher de moi ; mais vous avez des armes qui touchent de loin et j'espère que vous ne cesserez pas de combattre pour Henri V." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 141)
J'admire cette langue française encore tout imprégnée de l'élégance du XVIII° siècle : "vous avez des armes qui touchent de loin". A propos de cette dernière expression, Jean-Claude Berchet, maître de conférences à l'Université Paris III-Sorbonne nouvelle, gnose en bas de page : "c'est-à-dire une plume".
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* *
Autre admirable expression, de Chateaubriand, cette fois, concernant les "danses de la mort" de Holbein : "La Mort est variée à l'infini, mais toujours bouffonne à l'instar de la vie, qui n'est qu'une sérieuse pantalonnade." (p. 146, op. cit.)

dimanche 10 août 2008

Dimanche 10 Août 2008. 17H18

Admirable réponse, que celle de Chateaubriand , en Mars 1832, à "un billet de madame la duchesse de Berry qui [le] nommait membre d'un gouvernement secret, qu'elle établissait en qualité de régente de France." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, p. 76). Dans cette réponse, j'apprécie tout particulièrement les lignes suivantes : "Vous connaissez, Madame, l'ordre d'idées dans lequel j'aperçois la possibilité d'une restauration ; les autres combinaisons seraient au-dessus de la portée de mon esprit ; je confesserais mon insuffisance. C'est ostensiblement, et en me proclamant l'homme de votre aveu, de votre confiance, que je trouverais quelque force [...] mais je n'entendrais rien aux dévouements secrets ; je ne sais me rendre coupable de fidélité que par le flagrant délit" (p.84 et 85, op. cit.).

vendredi 8 août 2008

Vendredi 8 Août 2008. 10H36

Toulouse (Haute-Garonne, France).
Arrivé ici le mardi 5 Août à dix heures du soir. Mon fils S. vient me chercher devant la gare Matabiau. Le mercredi 6 Août, à huit heures du matin, depuis le balcon de S. , une vue sur la ville, mais surtout, surtout, mes retrouvailles avec la "lumière du Sud". Comment parler de cette lumière, que j'ai découverte il y a bien longtemps, en Corse ? Avec, en prime, en Corse, l'odeur du maquis, qui ne se raconte pas, mais se vit. Depuis ce 6 Août, le ciel de Toulouse est nuageux, changeant, mes retrouvailles avec la "lumière du Sud" n'ont duré que quelques heures.
Aujourd'hui, il pleut.

dimanche 3 août 2008

Dimanche 3 Août 2008. 11H42

Madame de Staël adresse à Madame Récamier une lettre , en 1810, depuis Coppet, dans laquelle on trouve cette phrase non dépourvue de force : "moi, je commence à mourir. Cela peut bien durer vingt-cinq ans, mais l'oeuvre est commencée et suivra dans le même sens. Enfin pourquoi vouloir dépasser son temps ?" (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, III, p. 618, op. cit.)

jeudi 31 juillet 2008

Jeudi 31 Juillet 2008. 22H13

"Je me demandais si je voyais un portrait de la candeur ou de la volupté". C'est ainsi que Chateaubriand évoque sa première rencontre avec Madame Récamier. (Mémoires d'Outre-Tombe, III, p.579, op.cit).
Tout est dans ce balancement entre la pureté virginale, monacale, ( "la candeur") et son contraire, un abîme ouvert à la fièvre des sens ("la volupté"). Ce balancement dans l'esprit de Chateaubriand crée le vertige et explique quarante ans de fascination.
Plusieurs occurrences renvoient au champ lexical de la pureté : "vêtue d'une robe blanche ; elle s'assit au milieu d'un sofa de soie bleue;" Le blanc et le bleu sont les couleurs de la Vierge. "Je crois que je priai le ciel de vieillir cet ange, de lui retirer un peu de sa divinité."
Cependant, le souci est clairement exprimé que ce rêve évellé de la rencontre devienne une réalité ("j'aimais la réalité plus que le songe"), afin que l'image pure, quasi dématérialisée, ce "portrait de la candeur", prenne corps, s'ancre dans le réel, dans le monde des sens, et aboutisse enfin à "la volupté" : "je lui ôtais des charmes pour la rapprocher de moi".

mercredi 30 juillet 2008

Mercredi 30 Juillet 2008. 12H40

Chaque bonheur, chaque volupté se paient. Rien ne nous est donné, jamais, sans contrepartie. Quand vous êtes malheureux, demandez-vous : "quelle erreur ai-je faite ?" --Peut-être seulement celle d'avoir accepté d'être heureux.

Mercredi 30 Juillet 2008. 9H44

On lit, dans les "Fragments retranchés" du Volume III des Mémoires d'Outre-Tombe (Classiques de Poche, op.cit.), un texte (p.578, sqq) qui aurait dû constituer le livre dixième de la Troisième Partie. Il se serait intitulé : "Madame Récamier". Il est daté de "Paris, 1839".
Plus que jamais, il faut lire entre les lignes : "Madame Récamier sortit et je ne la revis que douze ans après." (p. 579, op. cit.)
J'apprécie l'art du non-dit, de l'euphémisme et de la litote : comment arriver à dire de la manière la plus forte possible des sentiments extrêmes, sans violer le code des convenances, sans rien révéler de précis ? Par cette phrase, sans doute , qui ouvre la paragraphe qui suit la phrase que je viens de citer et qui s'achève par deux beaux oxymores : "Douze ans ! Quelle puissance ennemie coupe et gaspille ainsi nos jours, les prodigue ironiquement à toutes les indifférences appelées attachements, à toutes les misères surnommées félicités." (p. 579, op. cit.).
Lisant cela, on songe à l'accent des alexandrins de la tragédie racinienne :
"Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice" (Racine , Bérénice).

Mardi 29 Juillet 2008. 21H55

"Et toi, rien que toi, jamais d'autre que toi." Je crois que c'est le poète Robert Desnos qui a écrit cela. A trop lire la poésie, on devient tributaires de la façon d'aimer des poètes. Mais voilà : faut-il croire les poètes ?
--Quand l'amour meurt, lui succède son simulacre, qui ressemble autant à l'amour qu'un épouvantail ressemble à un être humain.

lundi 28 juillet 2008

Dimanche 27 Juillet 2008. 19H55

Il y a une musique qui contient ma vie entière, passé, présent, avenir : en elle, ma vie s'épanouit tout entière et passe de la tristesse à l'allégresse, de l'immobilité à la danse, dans un mouvement qui ne va que crescendo et qui ne peut cesser qu'avec la dernière note : "Quintette en fa mineur, opus 34" de Johannes Brahms.

dimanche 27 juillet 2008

Dimanche 27 Juillet 2008. 9H35

Dans ma maison, en Lorraine.

Songé, hier, à cette idée simple que je livre à mon lecteur, ma lectrice bénévoles : en littérature, on pourrait distinguer les « transhumants des siècles », les « enjambeurs des siècles » (Chateaubriand : 1768-1848) et ceux qui ont les deux pieds dans le même siècle (Hugo : 1802-1885). Mais, pour ce qui concerne Chateaubriand et Hugo, tous deux ont été les témoins de mutations considérables de la France : de la Monarchie à la Restauration, en passant par l’Empire, pour Chateaubriand, de l’Empire à la République en passant par le Second Empire, pour Hugo. Le parallèle entre ces deux écrivains pourrait être développé : n’est-ce pas le jeune Hugo qui disait : « je serai Chateaubriand, ou rien ». ?

Avant de quitter Romilly-Sur-Seine, j’achetai, avant-hier, des tuteurs et du fil pour « mon jardin zen » (quatre pots de lavande posés sur le goudron de la cour minuscule qui m’a été attribuée, au titre de « l’appartement de fonction ». *** me dit : « tu vas enlever ça, (les tuteurs et le fil), c’est ridicule ! ». Je lui répondis : « mon père disait à ma mère, avec une tendre ironie, lorsqu’elle se mêlait d’improviser des travaux de jardin : « c’est ton jardin polonais ». Eh bien, ces quatre pots de lavande sont mon jardin polonais ! »

Parti, hier, de Romilly-Sur-Seine, avec A. et ***, passé à la gare de Nancy pour déposer ***, puis dans la banlieue de Nancy pour boire une tasse de thé « Lipton », avec une rondelle de citron, chez ma mère, j’arrive ici vers 19H30. Ici, derrière ma maison, en Lorraine, ce n’est pas le goudron d’une cour qui m’attend, mais un jardin en friche, avec une herbe tellement haute qu’il faudrait une débroussailleuse performante (que je n’ai pas), pour en venir à bout. La maison possède, sur le devant, côté rue, une petite terrasse cimentée : le ciment s’est fissuré, par endroits, et les herbes sauvages y poussent, avec la complicité de l’eau qui coule du chéneau d’une minuscule véranda, par une gouttière qui pend, étrangement, dans le vide:

J’improvisai un repas, pour A. et moi. Quand la nuit descendit sur le village, je me rendis compte, seul, dans ma chambre, au premier étage, qu’à force de vivre quotidiennement dans une ville, j’avais désappris l’obscurité et le silence absolus d’une nuit sans lune, à la campagne.

Après une nuit difficile (le lit de fortune, sur lequel je dors dans cette maison est d’un inconfort absolu, et mes apnées du sommeil ont dû être nombreuses), je lis, ce matin, dans les Mémoires d’Outre-Tombe (Classiques de Poche, III, p. 456, op. cit.), cette phrase d’une force inouïe : « La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c’est la parole à l’état de foudre ; c’est l’électricité sociale ». Ne pourrait-on remplacer, aujourd’hui, le mot « presse », par le mot « internet » ?

Au-delà de ce que dit le texte de Chateaubriand, sur le plan historique, philosophique, artistique, religieux, il faut lire, en filigrane, le non-dit, tout ce qui se rapporte à sa vie privée Au-delà de son souci de construire une œuvre, ou d’agir sur le monde par la politique, le fil conducteur de sa vie est, en réalité, la vie affective. C’est exactement cela que tous ceux à qui je parle de mon admiration pour Chateaubriand et qui me regardent avec de grands yeux étonnés, n’ont jamais su voir. Je renvoie mon lecteur, ma lectrice bénévoles aux pages suivantes de cette édition des Classiques de Poche, Tome III : page 394, note 1, comme page 432, note 1, ou encore page 455, passim….Je ne saurais rédiger un « reader’s digest » de tout cela : il me semble que mon lecteur, ma lectrice ne peuvent faire l’économie de l’effort de lire cela dans le texte, et dans les notes précieuses, en bas de page, de Jean-Claude Berchet.

Vendredi 25 Juillet 2008. 14H32

« Professeur de français » fut mon premier métier, je l’ai exercé pendant quinze ans : ayant passé ma Licence de Lettres Modernes en Juin 1972, je me trouvai Maître-Auxiliaire, dans l’Education Nationale, en octobre 1973, j’avais vingt-cinq ans et mes élèves de seconde d’un lycée classique de Luxueil-les-Bains (Haute-Saône, France) avaient dix ans de moins que moi. Je me souviens de cette émotion du premier jour, de la première fois, quand on met le pied sur l’estrade et qu’une trentaine d’adolescents vous regardent, attendant quelque chose de vous…

Je venais d’achever les cours de Licence de Lettres Modernes de l’Université de Besançon (Doubs, France), où j’avais eu, pour professeurs, Michel Appel-Muller, spécialiste d’Aragon et d’Elsa Triolet, mon amie regrettée Eve Malleret, qui est sans aucun doute, encore aujourd’hui, la meilleure traductrice en français de l’œuvre de la poétesse russe Marina Tsvétaïeva, Paul Sadrin, qui m’a appris à lire Jean-Jacques Rousseau, Anne Ubersfeld, qui m’a appris à lire le théâtre de Racine, et, pour condisciples, les poètes Alex Abouladzé, décédé depuis, Alain Jean André, Pierre Perrin….C’est aussi à Besançon (où j’habitais rue Colsenet) que je fis la connaissance de mon regretté ami l’écrivain Jean-Serge Berg, alors jeune professeur de mathématiques remplaçant.

Le recensement de ses amis passés, quand on atteint un âge que d’autres, hélas, n’ont pas atteint, devient une « leçon de ténèbres ». Je parlerai peut-être un jour, longuement, de toutes ces personnes peu banales, et qui ont laissé une grande empreinte dans ma vie, dans un ouvrage autobiographique, si Dieu me prête vie, si le courage ne me manque pas…

En attendant, quand je lis les quatre pages (Classiques de Poche, III, p.414 à p.418, op.cit.) auxquelles Chateaubriand, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe a donné pour titre « Promenades », je me dis que cela peut, en vérité, se lire comme une formidable leçon de français, une leçon d’écriture.

mercredi 23 juillet 2008

Mercredi 23 Juillet 2008. 18H08.

Dans les Mémoires d'Outre-Tombe (III, p. 410, op. cit.), je lis cette phrase, qui est de nature à me consoler de mon échec aux Elections Municipales de Romilly-Sur-Seine, en Mars 2008 : "Nonobstant ces exemples et mille autres, le talent littéraire, bien évidemment le premier de tous parce qu'il n'exclut aucune autre faculté, sera toujours dans ce pays un obstacle au succès politique : à quoi bon en effet une haute intelligence ? Cela ne sert à quoi que ce soit."

mardi 22 juillet 2008

Mardi 22 Juillet 2008. 15H42

Je voudrais simplement qu'une de mes paroles apporte, un jour, de l'espoir à quelqu'un.

dimanche 20 juillet 2008

Dimanche 20 Juillet 2008. 15H30

On parle bien peu de la souffrance psychique. Dans certaines circonstances, le cerveau humain est le pire ennemi de l'être humain. Je pense souvent à cette seconde où le peintre Nicolas De Staël s'est jeté du haut des remparts d'Antibes. Son génie ne lui a pas servi de garde-fou. La souffrance psychique est telle, par moments, que rien ne suffit plus, sauf l'irréparable.

samedi 19 juillet 2008

Samedi 19 Juillet 2008. 14H44

Je songe à la tombe de Chateaubriand, sur le Grand Bé, un ilôt au milieu de la rade de Saint-Malo. A marée basse, les touristes s'y rendent, en procession, à pied, et s'agglutinent devant la tombe austère, surmontée d'une très belle phrase --que j'ai oubliée. J'y ai même vu des touristes irrévérencieux boire, en ricanant, des canettes de bière, devant la tombe. Mais il faut voir, à marée haute, et au soleil couchant, cette même tombe. Là, elle est devenue inaccessible au commun des mortels, et cette image me semble, avec le recul du temps, une excellente métaphore du destin de l'écrivain : durant sa vie, il est au milieu des hommes, puis, au moment de sa mort , il est devenu l'objet lointain et inaccessible de leurs regards. A cette différence près que la tombe de Chateaubriand, à marée basse, redevient accessible, à nouveau, comme si l'auteur renaissait à la vie, au milieu des hommes, passant, sans cesse, de la vie à la mort, au rythme des marées , dans une alternance, sans cesse renouvelée, de morts et de résurrections perpétuels.
*
Comme un chanoine lit son missel , je lis les Mémoires d'Outre-Tombe, à petites doses, un peu chaque jour, paragraphe par paragraphe . Ainsi, ce matin : "Je me reconnais effrontément l'aptitude aux choses positives, sans me faire la moindre illusion sur l'obstacle qui s'oppose en moi à ma réussite complète. Cet obstacle ne vient pas de la muse ; il naît de mon indifférence de tout. Avec ce défaut, il est impossible d'arriver à rien d'achevé dans la vie pratique". (III, p. 407, op. cit.)

vendredi 18 juillet 2008

Samedi 19 Juillet 2008. 8H26

Lorsque je relis , dans les Mémoires d'Outre-Tombe (p. 393, op. cit.), cette phrase : "A la villa Médicis, dont les jardins sont déjà une parure et où j'ai reçu la grande-duchesse Hélène, l'encadrement du tableau est magnifique : d'un côté la villa Borghèse avec la maison de Raphaël ; de l'autre la villa de Monte-Mario et les coteaux qui bordent le Tibre ; au-dessous du spectateur, Rome entière comme un vieux nid d'aigle abandonné.", je me dis que ma villa Médicis, à moi, c'est une vieille maison des années trente, et mes jardins de la villa de Médicis, à moi, qui "sont déjà une parure" , c'est quatre pots de lavande, sur le goudron d'une cour.
En poursuivant ma lecture, quelques pages plus loin, je me dis qu'au-delà du filigrane historique, au-delà de cette trame que constitue l'ambassade à Rome de François-René de Chateaubriand, qui dura sept mois qui lui permit, à son arrivée à Rome, en Octobre 1828, de rencontrer le Pape Léon XII (p.253, op. cit.), d'être témoin de sa mort le 18 Février 1829 (p. 336, op. cit.) d'être témoin de l'élection de son successeur, le Pape Pie VIII, le 31 Mars 1829 (p. 376, op. cit.), de la nomination du cardinal Albani et tant que Secrétaire d'Etat (p. 378, op. cit.), d'être reçu par Pie VIII, dans le cadre d'une audience particulière, le 29 Avril 1829 (p. 399, op.cit.), il n'en reste pas moins que l'essentiel de ce qui fait la beauté des Mémoires d'Outre-Tombe se trouve dans cette phrase qui termine le chapitre intitulé "Pie VII" (pages 400 et 401, op. cit.) : "Ma fidélité à la mémoire de mes anciens amis doit donner confiance aux amis qui me restent : rien ne descend pour moi dans la tombe ; tout ce que j'ai connu vit autour de moi : selon la doctrine indienne, la mort, en nous touchant, ne nous détruit pas ; elle nous rend seulement invisibles."

Vendredi 18 Juillet 2008. 18H09

Je viens de lire deux pages des Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand, qui m'ont mis le coeur en joie. Après des dizaines de pages d'un ennui extraordinaire (l'élection d'un nouveau Pape, à Rome, en 1829), qui m'ont fait penser à ce Benoît XVI, qui discourt, ces jours-ci, en Australie, devant des milliers de Jeunes, (aux JMJ), et qui m'ont fait bâiller à m'en décrocher la mâchoire , voici du grand art : "Fête à la villa Médicis pour la grande-duchesse Hélène", pages 392 à 394 des Mémoires d'Outre Tombe, Tome III, Livre trentième, Chapitre 7, (éditions Classiques de Poche, 05-2002). Je voudrais tout citer, de la première à la dernière ligne de ce texte dont les premiers mots sont : "J'avais donné des bals..." et les derniers mots sont "mes premiers jours". Courez, ami lecteur, si m'en croyez , à la librairie , et lisez ce texte, même si vous n'achetez pas le livre !

jeudi 17 juillet 2008

Jeudi 17 Juillet 2008. 21H48

Bilan de ma journée : quelques heures, devant l'ordinateur... Acheté, chez "Lidl", quatre pots de lavande, les ai déposés de part et d'autre de l'escalier de six marches qui mène, depuis mon appartement de fonction, à la cour du Collège : c'est mon jardin zen. Moi qui suis cloué à l'ordinateur, comme le papillon, piqué par une épingle, sur une planche entomologique, il ne me reste, pour rêver du Sud, que ces quatre pots de lavande qui n'ont d'odeur que celle de leur feuillage, lorsqu'on le roule entre les doigts.

Jeudi 17 Juillet 2008. 9H51

Romilly-Sur-Seine (Aube, Champagne-Ardennes). Dans mon appartement de fonction.
Dans l'appartement de fonction du collège où je suis logé par "nécessité absolue de service", tandis que tous , élèves, professeurs, personnels sont en vacances, je travaille pour le Collège, chaque jour, depuis une dizaine de jours, sur un ordinateur. Je construis l'emploi du temps des professeurs et des élèves pour l'année scolaire 2008-2009.
Or, pour réussir cet exercice, il me manque, parmi toutes les facultés intellectuelles humaines, celles que le Conseiller d'Orientation Psychologue du Collège nomme les "facultés hypothético-déductives". Si bien que le travail que je suis en train d'accomplir m'est très difficile, j'avance avec une lenteur extrême, dessinant des schémas sur le papier pour me représenter graphiquement à moi-même ce que je suis en train de faire...Tout cela me semble un puzzle géant , avec des centaines de pièces (j'ai horreur des puzzles), ou, plus exactement, cela me semble ce genre de puzzle, pour enfant en bas âge, enfermé dans un quadrilatère de plastique, où une pièce manquante permet le déplacement des pièces, pour reconstituer la bonne image. C'est un peu la même chose que je suis en train de faire : le bon emploi du temps est celui qui conciliera les intérêts des élèves et des professeurs.
J'ai vu des Chefs d'Etablissement qui adoraient cet exercice : l'un d'entre eux construisait l'emploi du temps, au mur, à l'aide de fiches cartonnées multicolores qu'il mettait dans un panneau métallique destiné à recevoir ces fiches. Il faisait cela avec la vélocité et l'enthousiame du toréador qui plante des banderilles, se reculant de quelques mètres pour avoir une vue d'ensemble du tableau qu'il était en train de construire, puis s'élançant et glissant d'un air triomphal des fiches de couleur, au bon endroit. Je le regardais faire, sans tout comprendre de ce qu'il faisait. Maintenant, je suis à pied d'oeuvre, seul, devant l'ordinateur et je comble les trous dans les grilles horaires, cherchant, à l'infini, la combinaison qui pourra satisfaire tout le monde !

mercredi 16 juillet 2008

Mercredi 16 Juillet 2008. 11H15

Romilly-Sur-Seine (Aube, Champagne-Ardennes).

J'ai été tellement souvent emphatique, dans ma vie, mais emphatique dans le sens d'une emphase creuse , comme une énorme bulle de savon, qui ne contiendrait que de l'air, que j'aspire, à présent, à un autre langage, dense et dépouillé, d'une concision extrême, allant droit à l'essentiel.

dimanche 13 juillet 2008

Dimanche 13 Juillet 2008. 8H45

Dans ma maison, en Lorraine.

Hier, je suis parti, avec mon fils Alexandre, de Romilly-Sur-Seine, pour aller voir ma mère, dans la banlieue de Nancy (Meurthe-et-Moselle), puis je suis arrivé dans ma maison lorraine vers dix neuf-heures. Nous avons relié le très récent et minuscule « eeePC », connecté à Internet grâce à SFR, à un écran d’ordinateur, vieux de quinze ans et beaucoup plus volumineux : ça a marché !

Puis, vers vingt heures, nous sommes allés manger un « kebab », dans la petite ville voisine. Le patron du « kebab » est un ancien élève du Lycée dont j’étais Proviseur, il y a dix ans. En ce temps-là, il préparait un C.A.P. de Maçonnerie, et j’étais « son » Proviseur…Dans le « kebab », il y avait foule : des gens de milieux modestes, essentiellement. Au retour du « kebab », j’ai arrêté la voiture pour photographier, à l’aide du téléphone portable, le soleil couchant.

Hier soir, avant de m’endormir, j’ai lu quelques lignes d’une petite anthologie que je viens d’acheter : « 1, 2, 3…bonheur ! Le bonheur en littérature » (collection Folio 2 Euros, N° 4442, imprimé le 22 Novembre 2007).

Ce matin : le tour du jardin, sous le ciel gris, une tasse de café à la main. Par endroits, les herbes et les feuillages constituent une petite jungle sauvage, trempée de rosée. J’aimerais être féru de botanique et pouvoir nommer chacune des herbes sauvages qui constituent « l’éco-système » de mon jardin ! Près du vieux puits, la lavande a encore grandi, le vieux pommier va donner, cette année, contrairement à l’année dernière, des myriades de pommes. En revanche, les roses et les lys orangés ont défleuri, à mon grand dam !

Au retour, dans ma chambre, (qui est à la fois ma chambre et mon « bureau » et où me parvient, comme un petit miracle, malgré l’air humide, par instants, l’odeur des troènes en fleurs) je lis, à nouveau, quelques lignes du livre que je viens d’acheter. Il y a, là dedans, un texte assez tonique de Jean Giono, intitulé « La chasse au bonheur ». On peut y lire les lignes suivantes : « Il y a un compagnon avec lequel on est tout le temps, c’est soi-même : il faut s’arranger pour que ce soit un compagnon aimable. » (p.16, op.cit.). En lisant cette phrase, je me suis dit que j’avais vécu, pendant des années, dans un constant désamour de moi-même, et que cela a été la cause majeure de mon « malheur », ou du moins de la sensation subjective de ce que je croyais être mon « malheur », malgré toutes les raisons objectives d’être heureux que je pouvais avoir.

Il y a une autre phrase, un peu plus loin dans le même texte, que je voudrais encore citer : « A mesure que l’habitude du bonheur s’installe, un monde nouveau s’offre à la découverte, qui jamais ne déçoit, qui jamais ne repousse, dans lequel il suffit parfois d’un millimètre ou d’un milligramme pour que la joie éclate. » (p. 19, op.cit.). Cette phrase m’a fait penser à deux textes que j’ai écrits naguère, et que je cite de mémoire : « Avez-vous déjà ressenti le bonheur par mégarde… » et le texte qui se termine par « On pourrait continuer de vivre. On pourrait ». Je laisse à l’internaute bénévole de ces lignes le soin de retrouver les textes exacts auxquels je fais référence, dans mon « site internet » de poèmes.

Il est dix heures : cela fait une heure et quart que j’ai entrepris l’écriture de cette page, avec des interruptions , me levant de ma chaise pour aller, par exemple, ouvrir toutes les fenêtres de la maison, afin de l’aérer. En passant par le grenier, m’a émerveillé, comme à chaque fois, la lumière zénithale qui tombe d’une petite partie du toit qui est vitrée – cette lumière zénithale, finalement, c’est un « bonheur », un bonheur à peu de frais ! Je voudrais, un jour, installer un bureau dans cette partie du grenier, à la verticale sous cette lumière, pour essayer d’écrire sous cette lumière qui éclairerait ma feuille de papier (ou mon ordinateur) : il me semble que, sous cette lumière si particulière, qui tombe du ciel (et qui n’a rien à voir avec la lumière que diffusent les fenêtres), je ne pourrais qu’écrire des textes qui seraient en harmonie avec le Cosmos tout entier !

samedi 12 juillet 2008

Samedi 12 Juillet 2008. 9H33

Cela va sembler bien immodeste : je voudrais que l'on puisse dire , un jour, que mon écriture a suivi la même trajectoire que celle de l'oeuvre d'Henri Matisse. Quand je pense à ce que j'écrivais il y a trente ans , à un recueil comme Dialogue sans espoir, qui me semble aujourd'hui, à la relecture, une interminable guimauve, et que je le compare à mes deux derniers recueils , Le ciel est couleur d'encre, Force de la douceur, qui n'ont jamais eu, comme lieu de publication, que le World Wide Web, c'est à dire qu'ils sont nulle part et partout, je me dis qu'il y a peut-être, la même trajectoire entre ces recueils "de jeunesse", et ceux d'aujourd'hui, qu'entre les toiles de jeunesse de Matisse, et celles de la fin, qu'une exposition en Juillet 2005 rassembla au Musée du Luxembourg, à Paris, sous le titre "Une seconde vie" , sans oublier les vitraux de la chapelle de Vence.
Je renvoie le lecteur de ce blog aux papiers multicolores, coupés et collés de la fin de l'oeuvre de Matisse, à ces feuillages stylisés de 1953, signés simplement "HM 53", qui servirent de support à l'affiche de l'exposition du Palais du Luxembourg. Ces feuillages stylisés, stylisés jusqu'au symbole, qui jaillissent de bas en haut, sont ceux de n'importe quelle plante et de toutes les plantes du monde. Ils ne décrivent rien d'autre que notre paysage intérieur, celui de nos souvenirs.

mercredi 9 juillet 2008

Mercredi 9 Juillet 2008. 19H01

L'un de mes derniers poèmes (voir, dans mon site internet de poèmes, le recueil écrit "en ligne", jour après jour, ces jours-ci : Force de la Douceur ) ne comporte que cinq mots. Il y a là, dans cet amoindrissement éperdu du volume du poème, une quête du dépouillement absolu, comme le peintre japonais, du bout de son roseau trempé dans l'encre de Chine, s'efforce de résumer tout un paysage, en un seul trait. Le "poème ultime", lui, pourrait, au bout du compte, n'être composé que d'un mot, un seul mot. Oui, mais lequel ?

samedi 5 juillet 2008

Samedi 5 Juillet 2008. 9H30

Dans ma rue, à Romilly-Sur-Seine, à sept heures du matin, tandis que je parle à mon voisin, qui m'explique son amertume de partir en retraite "avec une toute petite retraite", quelqu'un, que je ne connais pas et qui me connaît, suite à la campagne électorale de Mars 2008, nous aborde. Il me dit qu'il voudrait discuter de politique avec moi : il me dit être "homme de gauche" et faire partie d'un "groupe de quinze personnes", à Romilly... Puis , comme je me propose de lui résumer en une phrase ma position politique à l'égard de ce "groupe de quinze personnes" (à savoir qu' il est inutile de créer un nouveau parti de gauche, mais qu'il faut fédérer les partis politiques de gauche existants pour reconquérir le pouvoir), il m'empêche de m'exprimer et se met, lui, à s'exprimer longuement , en commençant par cette phrase : "la victoire de Sarkozy n'est pas politique, mais culturelle..."

Depuis deux jours, la télévision nous montre Ingrid Bétancourt, enfin libre. Ingrid à Bogota, accueillie par sa mère, au pied de l'avion. Ingrid à Paris, accueillie par le Président de la République, au pied de l'avion... Comme tous les Français, je pleure de joie en la voyant, en l'écoutant. Ce que je trouve de plus beau dans ce qu'elle dit c'est qu'elle "n'a aucune haine pour les FARC", malgré les sévices , humiliations et tortures inhumains qu'elle a pu subir.

Pourtant, malgré la noblesse et l'intelligence des propos d'Ingrid , je ne peux m'empêcher de sourciller lorsqu'elle dit que le combat des FARC est "absurde". Je réprouve tous les actes de violence commis par les FARC : trafic de drogue, enlèvements, séquestrations, sévices, meurtres...Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont mus par un idéal, qui a sa beauté, sa noblesse. Les moyens utilisés sont blâmables, mais il y a un idéal de gauche derrière tout cela, un idéal de gauche pour lequel des hommes de gauche et des femmes de gauche sont, depuis quarante ans , dans la jungle de Colombie, fusil sur l'épaule.
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lundi 30 juin 2008

Mardi 1 Juillet 2008. 6H10

Il y a quelque chose de plus triste encore que de désirer sans obtenir, c'est de ne plus désirer.

dimanche 29 juin 2008

Lundi 30 Juin 2008.6H22

Il y a dans les "Mémoires d'Outre-Tombe" de Chateaubriand, une phrase terrible sur le vieillissement : "n'être plus que la momie de soi-même".

Dimanche 29 Juin 2008.9H04

Dans ma maison, en Lorraine. Parti de Romilly-Sur-Seine (Aube), hier matin. Arrivé ici, hier, vers vingt heures, après un itinéraire qui m’a mené à Saint-Nicolas de Port (près de Nancy, Meurthe-et-Moselle), puis Thionville (Nancy), puis la banlieue de Nancy, où vit ma mère. Nous avons réussi hier soir, mon fils A. et moi, la connexion Internet sur le « Eee PC, muni de sa clef Internet SFR », que j’avais apporté ici. J’ai traversé la nuit, ensuite, avec mes habituelles apnées nocturnes, dont je n’ai pas conscience, et qui font, de moi, un naufragé de chaque nuit, jusqu’au « naufrage de trop », où tout s’arrête. En attendant, comme me l’a gentiment expliqué le pneumologue, je suis en deçà du « seuil d’alerte » qui autorise le remboursement par la sécurité sociale de la coûteuse machine qui m’aiderait, chaque nuit, à respirer, en envoyant de l’air sous pression, dans les narines, ou dans la bouche, je ne sais plus. Si un de mes lecteurs a un pouvoir de décision dans ce domaine, qu’il fasse le nécessaire, pour qu’on m’accorde une exception ! Il y avait, chez ma mère, une photo couleur vieille de dix-huit ans : mon mariage avec S. la maman d’Alexandre. J’ai une barbe noire et j’ai l’air jeune et radieux. Sur la photo : S., en robe de mariée, et moi et de part et d’autre le père et la mère de S., d’un côté, mon père et ma mère, de l’autre. Aujourd’hui, deux sont morts : les deux grands-pères d’Alexandre. Ce jour-là, pourtant, tous étaient en vie, et souriants. Ainsi va la vie de chacun d’entre nous, jusqu’au jour où, moi-même, je ne pourrai plus sourire que sur une photo, qui sera, comme celle-ci , posée sur un meuble, quelque part. Ce matin, je suis parti dans le jardin avec cisaille et sécateur, n’ayant pas la force, ce matin, de tenir la moindre faux. La récompense de celui qui désenserre la lavande, de l’étreinte des « mauvaises » herbes, c’est ce léger parfum de lavande qui vient, non des fleurs (nous sommes trop en amont dans la saison), mais des tiges et des feuillages, sans doute. Près de l’escalier où se trouve l’autre massif de lavande, qui souffre du côtoiement des « sabots de Vénus » envahissants, sur le rosier sauvage (aubépine ?) a été greffé (par l’un des propriétaires précédents de cette maison : l’Anglais, peut-être ?) un rosier rouge qui offre deux fleurs dans la pure lumière du matin : il y aurait une photo à faire, mais il y a tant de photos à faire ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce ne sont pas les roses qui sont belles, mais la fusion de ces roses et de la lumière oblique du matin. J’écrirai sans doute un poème sur cet instant. Entre ces roses et le vieux puits, il y a les lys orangés, dont c’est le règne, à présent. C’est le règne aussi des troènes, dont les fleurs blanches diffusent leur parfum tout autour de la maison. Le vieux cerisier, hors d’âge, a donné quelques cerises, dont j’ai goûté une ou deux, à moitié mangées des oiseaux, pas vraiment sucrées. La résine du cerisier perle au bout de ses branches. J’ai scié quelques branches, pour le poêle à bois, l’hiver prochain : combien d’hivers me reste-t-il ?
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Il y a dans le poème de Kipling , « Si… », une phrase (je cite de mémoire) du genre de celle-ci : « si tu peux supporter d’entendre tes paroles / travesties par des gueux… ». Je pense à cette phrase, quand je pense à la façon caricaturale dont on a résumé mes propos dans le journal local, pendant la campagne électorale, à Romilly. Je plaidais pour « une culture populaire de qualité ». Sans doute m’étais-je mal exprimé : je faisais allusion au fait que les classes populaires n’accèdent pas, le plus souvent, à certaines formes de culture « classique » : musique classique, opéra…Et il me semblait indispensable de les y faire accéder.
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Je pense à la librairie « Majuscule » de Romilly, fermée depuis plusieurs mois. Quelques jours avant sa fermeture, j’étais venu dans cette librairie demander une bouteille d’encre. Je faisais des caprices : exigeant que l’on commande, pour moi et pour moi seul, de l’encre « Montblanc » de couleur noire. Les employés me regardèrent avec une tristesse dans le regard que je ne peux oublier : ils savaient, eux, que leur librairie allait fermer, quelques jours plus tard, ce que je ne savais pas. Ils se gardèrent de me le dire.
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Hier, de part et d’autre de la route : des coquelicots, dont l’aspect éphémère me bouleverse, chaque fois.
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Longtemps, l’échec a été en moi. Depuis, je pressens les gens qui sont ce que j’ai été. C’est souvent un sentiments de culpabilité –dont on ignore la cause-- qui fait que l’on se punit, sans cesse, toute sa vie, par l’échec. Parmi les élèves du collège, certains ont une joie de vivre à toute épreuve et d’autres vivent dans une tristesse abyssale. C’est l’amour des parents qui a manqué aux uns et qui surabonde pour les autres, d’où leur joie. Pour fuir la sensation d’échec, on peut fuir au bout du monde : la sensation d’échec nous suit.
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Le sport n’est pas un moyen de construire l’Europe des Nations, ni même la fraternité entre les peuples : victoire et défaite ne seront jamais les fléaux de la balance de la fraternité.
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Jour de braderie dans la petite ville voisine de ma maison : on se croirait trente ans en arrière : les tee-shirts à l’effigie de Che Guevara, la « bimbeloterie », comme disent les Québécois. Puis, soudain, dans un enclos de quatre planches…trois petits cochons, à l’oreille marquée de je ne sais quel code, sur un disque de plastic, et qui fouillaient la paille fraîche, de leur groin…

vendredi 27 juin 2008

Samedi 28 Juin 2008. 6H28

Il y a, dans les Mémoires d'Outre-Tombe, de Chateaubriand, une phrase qui dit ceci : "je ne suis fait ni pour commander, ni pour obéir" -- ou quelque chose d'avoisinant. C'est un peu mon cas, moi aussi, et, pourtant , j'exerce un métier où il me faut, alternativement, commander, et obéir !
De la même façon, en tant que poète, je dois être attentif au surgissement incontrôlable, en moi-même, des mots, à une sorte de foisonnement imprévisible, dans le plus joyeux désordre. Or, j'exerce un métier qui implique de mettre en ordre beaucoup de choses, et d'écrire des "Notes de Service" administratives, qui sont tout le contraire du foisonnement, libre et joyeux, du poème !

mercredi 25 juin 2008

Mercredi 25 Juin 2008.19H 35

La plupart des choses que j’ai écrites autrefois, je ne les écrirais plus aujourd’hui : la sensibilité de l’homme s’émousse et se transforme, comme la pierre, sous l’érosion du temps. Ce que nous avons écrit garde trace de ce que nous fûmes : c’est en cela que, telle une pierre précieuse, la poésie est appelée à traverser la nuit des temps : elle scintillera, pour d’autres que nous, dans bien longtemps. Comme un écho sonore se propage, ou une onde, en cercles concentriques, à la surface de l’eau, quelque chose de nos émotions atteindra le cœur du lecteur, de la lectrice, alors même que nous n’y serons plus.

J’en parle à la lumière de ce que j’ai éprouvé, en lisant les poètes, dans mon adolescence, (et plus particulièrement Guillaume Apollinaire, dont je parlerai, ici, plus longuement, un jour), cette découverte du flamboiement des mots… Maintenant que le temps se resserre, pour moi, il n’est plus temps de craindre le jugement de la postérité sur ce que j’ai écrit : je ne referai pas une œuvre tout entière, mais, comme le vieux luthier qui construit encore et toujours son énième violon, en tenant compte de l’expérience que lui ont donnés tous ses violons précédents, je construirai encore, si Dieu me prête vie, quelque machinerie de mots, apte à produire une musique – que quelques-uns, peut-être, sauront entendre…A moins que ces mots ne se perdent, dans l’indifférence générale, dans le world web wide, comme un objet minuscule se perd dans une immensité.

Mercredi 25 Juin 2008.19H 27

Il y a une phrase de Louis-Ferdinand Céline que je me répète souvent : "l'amour, c'est l'infini, mis à la portée des caniches".

Mercredi 25 Juin 2008.19H22

La dimension théâtrale du sport : Espagne-Italie, les deux équipes pétrifiées par la peur de perdre...La défaite est quelquefois préférable à des victoires où, seul, l'ennui triomphe.

dimanche 22 juin 2008

Dimanche 22 Juin 2008. 16H16

Il faut regarder, sans rire, à la télévision, un documentaire sur le Qatar, commenté d'une voix grave : l'on nous montre des gens faisant du hockey sur glace, alors qu'il fait soixante degrés, à l'ombre, au dehors, et des courses de dromadaires sur lesquels on a fixé des robots en forme de minuscules jockeys, avec un bras télécommandé, armé d'un fouet, bras que dirige à l'aide d'une télécommande, au rythme qui lui convient, le maître du dromadaire qui suit la course, en 4X4, sur une route parallèle à la piste !
--A quoi sert la richesse d'une nation, si le peuple n'y gouverne pas ?

Dimanche 22 Juin 2008. 13H59

Je souris, en lisant les compte-rendus des matchs de l'"Euro 2008", sur internet : le style épique des journalistes donnerait à penser qu'on nous raconte Waterloo , ou Stalingrad, comme si tout l'avenir de la Planète, l'avenir de Nations entières, dépendaient de l'issue du match ! Allons, Messieurs les journalistes, ce n'est qu'un jeu ! Le destin de la Planète se joue certainement quelque part, mais pas là !

Dimanche 22 Juin 2008. 13H53

Il y a un vers d'Aragon qui dit ceci : "triste comme les rois sur leurs photographies". Je viens de voir, sur internet, une photographie de Carla Bruni, première dame de France, vêtue de noir, assise, entre deux drapeaux. Je lui trouve quelque chose de triste, dans le regard. Mais je me trompe peut-être, je me trompe sûrement, je ne fais certainement que projeter, sur tout le monde qui m'entoure, la constante tristesse qui est en moi.

samedi 21 juin 2008

Samedi 21 Juin 2008. 17H35

Il y a, dans La Fontaine, ces vers que je trouve très beaux : "J'aime les jeux , l'amour, les livres, la musique / Il n'est rien / Qui ne me soit souverain bien / Jusqu'au sombre plaisir d'un coeur mélancolique". En me remémorant ces vers si beaux, l'autre jour, il m'a semblé comprendre leur beauté, pour la première fois. J'ai pensé à cette gravure de Dürer : "Melancholia", cet ange aux ailes repliées. J'ai pensé à l'état où je me trouvais en Novembre 2003, à cette sensation de souffrance psychique , qui m'interdisait de savourer "le soleil noir de la mélancolie" (Nerval). Ce "sombre plaisir d'un coeur mélancolique" a un seuil qu'il ne faut pas dépasser, sans quoi, il n'y a plus que la souffrance psychique, qui ne peut se comparer à rien , et dont , seuls, peuvent réellement parler ceux qui l'ont , un jour, une fois, éprouvée.
C 'est vrai , par conséquent, que la mélancolie, si elle reste dans des limites raisonnables, comme une souffrance en sourdine, est un "sombre plaisir", : pour ma part, c'est le prisme le plus quotidien au travers duquel je déchiffre la réalité.
Je suis dans ce "sombre plaisir"-là, que je regarde un match de football, à la télé , avec cette excessive liesse des vainqueurs, et cette excessive tristesse des vaincus. Il faut "aimer les jeux", sans jamais oublier que ce ne sont que des "jeux". Dans mon métier de "Personnel de Direction" d'un établissement scolaire , j'observe, chaque jour, avec la plus grande "mélancolie" , l'incroyable violence qui régit les rapports des élèves entre eux, ainsi que les rapports de certains élèves avec l'ensemble des adultes de "la communauté éducative". On n'imagine pas cette violence-là : peut-être, un jour, écrirai-je un livre là-dessus, s'il me reste des forces, s'il me reste une vie après ma vie professionnelle. Parfois, dans mon métier , heureusement, surgit, à l'improviste, une lueur : l'autre jour, je découvre qu'un élève de 5° va apprendre, l'an prochain, le "chinois", par le Centre National d'Enseignement à Distance. Je trouve cela magnifique, de considérer le monde comme un village planétaire, et de vouloir apprendre la langue de nos voisins chinois.

Samedi 21 Juin 2008. 14H59

J'ai regardé, deux matins de suite, (jeudi 19 Juin et Vendredi 20 Juin), entre 6 H et 7H du matin, la retransmission sur la "Chaîne Parlementaire" de la télévision, des débats sur Sénat au sujet des amendements de la Nouvelle Constitution. Les Sénateurs, débattaient de la présence des mots "race", "langue régionale", dans la Nouvelle Constitution, ou encore du fait de savoir "dans quelles conditions le Parlement devait être informé de l'envoi de troupes françaises à l'étranger". Ce qui m'a ému, c'est que les débats étaient transversaux aux partis politiques : sur l'importance du mot "race" , des sénateurs de droite tombaient d'accord avec des sénateurs de gauche, et réciproquement, et ne s'opposaient plus selon le parti politique auxquels ils appartenaient, mais selon leur intime conviction. On sentait , dans l'hémicycle , le souffle de la République, celui des philosophes du Siècle des Lumières : Diderot, Rousseau, Voltaire... Le Président du Sénat, Christian Poncelet, soudain, s'est levé , a reboutonné sa veste, et a souhaité la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale du Viet-nam. Tout cela n'était pas sans grandeur.
En regardant tout cela, je me suis demandé si cela me plairait d'être Sénateur moi-même, mais, presque aussitôt, je songeai aux heures qu'il faut passer, assis là, à écouter des discours, alors que je me vois plutôt , dans quelques années, herborisant comme le Jean-Jacques Rousseau des Rêveries du Promeneur Solitaire.

mercredi 18 juin 2008

Mercredi 18 Juin 2008. 16H25

Depuis des années, je songe à écrire un texte sur le peintre Nicolas De Staël. Peut-être n'écrirai-je que quelques lignes, ou quelques pages. Ces lignes, ces pages s'intituleraient "Les Remparts d'Antibes". C'est dire que ce texte parlerait d'abord de la mort de De Staël, de cette ultime seconde, où ce génie (pour qui, pour quoi ? ) s'est précipité du haut des remparts d'Antibes. C'est dire que ce texte parlerait de ce degré de souffrance psychique qu'il faut atteindre, pour faire un tel geste. C'est dire aussi que je crois que la Mort peut porter un éclairage rétrospectif sur toute une vie . Que serait Dom Juan , sans la chute, sans la rencontre avec la statue du Commandeur ?

Mercredi 18 Juin 2008. 16H10

Je ne peux lire Du Bellay (Les Antiquités de Rome, Les Regrets) sans penser que ses textes, vieux de quatre siècles, pourraient avoir été écrits par un poète-frère, dans la pièce d'à côté, et qui viendrait, tout juste après l'avoir écrit, vous montrer son texte, dont l'encre n'aurait pas eu le temps de sécher. De quoi est donc fait le coeur de l'homme, de quel granit, quel diamant, pour être ainsi immuable, de siècle en siècle ?

mardi 17 juin 2008

Mardi 17 Juin 2008. 20H17

Quelqu'un, parlant de Gandhi, à la télévision, l'a qualifié de "renonçant". Le mot m'a plu. Je me suis dit : c'est peut-être en renonçant que l'on obtient : en renonçant au pouvoir, dans le domaine politique, en renonçant à la gloire , dans le domaine littéraire, en renonçant à la satisfaction de ses désirs, dans le domaine amoureux. C'est ce que les psychiatres et autres psychanalystes nomment le "lâcher-prise".
Il s'agit peut-être de renoncer, avant que tout ne s'effondre : Napoléon , avant la campagne de Russie, avant Waterloo, Dom Juan avant que la statue du Commandeur ne vienne lui serrer la main et ne l'entraîne vers les flammes de l'enfer...

dimanche 15 juin 2008

Dimanche 15 Juin 2008. 12H20

J'ai lancé un débat sur mon site internet politique http://www.depositairesdelesperance.tk/, au sujet de la stratégie politique à suivre, pour favoriser la victoire de la gauche, à toutes les prochaines échéances électorales : locales, régionales, nationales. Par ailleurs, j'ai suivi, hier, en direct, sur La Chaîne Parlementaire, les débats de la Convention Nationale du Parti Socialiste, à la Cité des Sciences, à Paris, concernant la "Déclaration de Principes " qui a été adoptée, hier. Ce matin , j'ai envoyé un e-mail à Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, pour solliciter de lui une contribution au débat que je lance sur mon site internet politique. Répondra-t-il ?
J'ai conçu pour Jean-Luc Mélenchon une grande admiration, depuis le temps où il était Ministre chargé de l'Enseignement Professionnel, et moi, Proviseur d'un Lycée Professionnel Industriel.

mercredi 11 juin 2008

Mercredi 11 Juin 2008. 18H48

Je ne transformerai pas en slam ma poésie, comme on entend que font aujourd'hui les chanteurs sur les ondes, disant en mille mots ce qui peut être dit en deux ou trois mots seulement.
Tout au contraire, j'irai vers toujours plus de dépouillement, partant à la recherche du reflet doré de la lune à la surface de l'étang, jusqu'à ce que , me penchant, moi aussi, depuis ma barque, pour cueillir , moi aussi, ce reflet, comme fit, autrefois, le poète chinois, je finisse , tout comme lui, par basculer dans l'eau de cet étang.

samedi 7 juin 2008

Dimanche 8 Juin 2008. 7H55

Mis en ligne, ce matin, onze poèmes de Fin de Siècle, sur mon site de poèmes, hébergé gratuitement par Google . J'ai renoncé à publier sur le World Wide Web certains poèmes que j'avais imprimés dans l'édition sauvage (samizdat) réalisée à quelques exemplaires , en l'an 2000, à Charmes, dans les Vosges. En effet , pour un écrivain, se relire, c'est, un peu, comme se regarder dans le miroir : il y a des jours où l'on se satisfait de son visage, dans le miroir, et d'autres jours, pas du tout. C'est un peu la même chose dans l'écriture : on se demande, soudain, à la relecture, des années après, comment on a pu laisser publier tel ou tel texte.
J'ai écrit également, et publié, hier, 7 Juin 2008, sur mon site "politique", Dépositaires de l'Espérance, un texte intitulé "Perplexité"(1), que je juge important, et auquel je renvoie le lecteur, la lectrice de ce blog.

dimanche 1 juin 2008

Dimanche 1 Juin 2008. 8H46

Dans ma maison, en Lorraine…Le tour du jardin : en contrebas, la décrue : les bords de la rivière ont repris leur aspect habituel : l’arbre frêle dont je parlais, hier, a survécu : il garde, cependant, un air penché, des combats qu’il a menés, la veille. Les très vieux saules, eux, ont vécu cette crue avec indifférence, comme des dizaines d’autres : ce sont eux qui empêchent la rivière d’arracher la terre du talus qui la surplombe, sur la rive qui « m’appartient » --possède-t-on quoi que ce soit, ici-bas ? Près du massif de lavande, les toiles d’araignées, recouvertes d’infimes gouttelettes d’eau, semblaient de la guipure.

Neuf heures sonnent, au clocher de l’église :

« Le temps s’en va, le temps s’en va, Madame

Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons… »

Un bœuf meugle, quelque part. D’autres lui répondent. Il y a comme un vent de révolte, ce matin, parmi le bétail, d’habitude paisible, dans les prés voisins. Quelle que soit la banalité de chacune de nos journées, elle a son unicité : nous voyageons sur l’aile du temps : comme le jardin, qui traverse les saisons de l’année : chaque fleur y attend son heure d’apothéose et de déclin : l’heure des tulipes, l’heure des pivoines, l’heure des lys…Comme nous traversons les saisons de notre vie, en attendant, nous aussi, notre heure d’apothéose et de déclin, en oubliant, le plus souvent, qu’il est « plus tard que nous ne le pensons. ». Impassible, la vigne vierge envahit le mur, côté jardin, comme chaque année : ce ne sont pas les mêmes feuilles, mais le même pied de vigne, qui chaque année, part à la reconquête de son espace, en grimpant jusque sous le toit, en attendant la torpeur de l’été, à quoi succédera l’automne, qui fera flamboyer les feuilles, et le vent d’hiver, qui les emportera, faisant se succéder, d’un même souffle, l’apothéose et le déclin.

Dans le pré qui jouxte mon jardin, il y a de jeunes bœufs, au pelage brun, uni, qui broutent innocemment, sans savoir qu’ils sont condamnés à l’abattoir. Je les regardais, depuis l’espèce de tonnelle avec de petites colonnades blanches, dans le style hellénisant, que mon lointain prédécesseur, dans cette maison, un Anglais, avait construit, sans doute, de ses propres mains : j’ai retrouvé des moules, pouvant servir à cela, dans la cave. Dans les archives de la maison, au fond d’un placard, il y avait, aussi, d’anciennes demandes de permis de construire de ce propriétaire anglais : l’adresse postale, à laquelle la préfecture du département français où je me trouve, lui répondait, m’a fait sourire : en guise de nom de rue, avant le nom du village, simplement ce mot anglais : « Riverside », « bord de la rivière ».

J’ai accroché, dans l’escalier qui mène au premier étage de ma maison, la reproduction d’un tableau d’Emile FRIANT (1863-1932). L’original de ce tableau, Les Amoureux (1888), une huile sur toile (110, 145 cm), se trouve au Musée des Beaux-Arts de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Dans ce tableau, deux amoureux, au premier plan, peints de dos, accoudés au parapet métallique d’un pont qui surplombe une rivière, que l’on voit dans l’arrière-plan du tableau, ainsi qu’un autre pont , de pierre, celui-là, dialoguent silencieusement, par la seule force de leur regard.