dimanche 29 juin 2008

Dimanche 29 Juin 2008.9H04

Dans ma maison, en Lorraine. Parti de Romilly-Sur-Seine (Aube), hier matin. Arrivé ici, hier, vers vingt heures, après un itinéraire qui m’a mené à Saint-Nicolas de Port (près de Nancy, Meurthe-et-Moselle), puis Thionville (Nancy), puis la banlieue de Nancy, où vit ma mère. Nous avons réussi hier soir, mon fils A. et moi, la connexion Internet sur le « Eee PC, muni de sa clef Internet SFR », que j’avais apporté ici. J’ai traversé la nuit, ensuite, avec mes habituelles apnées nocturnes, dont je n’ai pas conscience, et qui font, de moi, un naufragé de chaque nuit, jusqu’au « naufrage de trop », où tout s’arrête. En attendant, comme me l’a gentiment expliqué le pneumologue, je suis en deçà du « seuil d’alerte » qui autorise le remboursement par la sécurité sociale de la coûteuse machine qui m’aiderait, chaque nuit, à respirer, en envoyant de l’air sous pression, dans les narines, ou dans la bouche, je ne sais plus. Si un de mes lecteurs a un pouvoir de décision dans ce domaine, qu’il fasse le nécessaire, pour qu’on m’accorde une exception ! Il y avait, chez ma mère, une photo couleur vieille de dix-huit ans : mon mariage avec S. la maman d’Alexandre. J’ai une barbe noire et j’ai l’air jeune et radieux. Sur la photo : S., en robe de mariée, et moi et de part et d’autre le père et la mère de S., d’un côté, mon père et ma mère, de l’autre. Aujourd’hui, deux sont morts : les deux grands-pères d’Alexandre. Ce jour-là, pourtant, tous étaient en vie, et souriants. Ainsi va la vie de chacun d’entre nous, jusqu’au jour où, moi-même, je ne pourrai plus sourire que sur une photo, qui sera, comme celle-ci , posée sur un meuble, quelque part. Ce matin, je suis parti dans le jardin avec cisaille et sécateur, n’ayant pas la force, ce matin, de tenir la moindre faux. La récompense de celui qui désenserre la lavande, de l’étreinte des « mauvaises » herbes, c’est ce léger parfum de lavande qui vient, non des fleurs (nous sommes trop en amont dans la saison), mais des tiges et des feuillages, sans doute. Près de l’escalier où se trouve l’autre massif de lavande, qui souffre du côtoiement des « sabots de Vénus » envahissants, sur le rosier sauvage (aubépine ?) a été greffé (par l’un des propriétaires précédents de cette maison : l’Anglais, peut-être ?) un rosier rouge qui offre deux fleurs dans la pure lumière du matin : il y aurait une photo à faire, mais il y a tant de photos à faire ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce ne sont pas les roses qui sont belles, mais la fusion de ces roses et de la lumière oblique du matin. J’écrirai sans doute un poème sur cet instant. Entre ces roses et le vieux puits, il y a les lys orangés, dont c’est le règne, à présent. C’est le règne aussi des troènes, dont les fleurs blanches diffusent leur parfum tout autour de la maison. Le vieux cerisier, hors d’âge, a donné quelques cerises, dont j’ai goûté une ou deux, à moitié mangées des oiseaux, pas vraiment sucrées. La résine du cerisier perle au bout de ses branches. J’ai scié quelques branches, pour le poêle à bois, l’hiver prochain : combien d’hivers me reste-t-il ?
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Il y a dans le poème de Kipling , « Si… », une phrase (je cite de mémoire) du genre de celle-ci : « si tu peux supporter d’entendre tes paroles / travesties par des gueux… ». Je pense à cette phrase, quand je pense à la façon caricaturale dont on a résumé mes propos dans le journal local, pendant la campagne électorale, à Romilly. Je plaidais pour « une culture populaire de qualité ». Sans doute m’étais-je mal exprimé : je faisais allusion au fait que les classes populaires n’accèdent pas, le plus souvent, à certaines formes de culture « classique » : musique classique, opéra…Et il me semblait indispensable de les y faire accéder.
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Je pense à la librairie « Majuscule » de Romilly, fermée depuis plusieurs mois. Quelques jours avant sa fermeture, j’étais venu dans cette librairie demander une bouteille d’encre. Je faisais des caprices : exigeant que l’on commande, pour moi et pour moi seul, de l’encre « Montblanc » de couleur noire. Les employés me regardèrent avec une tristesse dans le regard que je ne peux oublier : ils savaient, eux, que leur librairie allait fermer, quelques jours plus tard, ce que je ne savais pas. Ils se gardèrent de me le dire.
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Hier, de part et d’autre de la route : des coquelicots, dont l’aspect éphémère me bouleverse, chaque fois.
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Longtemps, l’échec a été en moi. Depuis, je pressens les gens qui sont ce que j’ai été. C’est souvent un sentiments de culpabilité –dont on ignore la cause-- qui fait que l’on se punit, sans cesse, toute sa vie, par l’échec. Parmi les élèves du collège, certains ont une joie de vivre à toute épreuve et d’autres vivent dans une tristesse abyssale. C’est l’amour des parents qui a manqué aux uns et qui surabonde pour les autres, d’où leur joie. Pour fuir la sensation d’échec, on peut fuir au bout du monde : la sensation d’échec nous suit.
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Le sport n’est pas un moyen de construire l’Europe des Nations, ni même la fraternité entre les peuples : victoire et défaite ne seront jamais les fléaux de la balance de la fraternité.
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Jour de braderie dans la petite ville voisine de ma maison : on se croirait trente ans en arrière : les tee-shirts à l’effigie de Che Guevara, la « bimbeloterie », comme disent les Québécois. Puis, soudain, dans un enclos de quatre planches…trois petits cochons, à l’oreille marquée de je ne sais quel code, sur un disque de plastic, et qui fouillaient la paille fraîche, de leur groin…

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