La plupart des choses que j’ai écrites autrefois, je ne les écrirais plus aujourd’hui : la sensibilité de l’homme s’émousse et se transforme, comme la pierre, sous l’érosion du temps. Ce que nous avons écrit garde trace de ce que nous fûmes : c’est en cela que, telle une pierre précieuse, la poésie est appelée à traverser la nuit des temps : elle scintillera, pour d’autres que nous, dans bien longtemps. Comme un écho sonore se propage, ou une onde, en cercles concentriques, à la surface de l’eau, quelque chose de nos émotions atteindra le cœur du lecteur, de la lectrice, alors même que nous n’y serons plus.
J’en parle à la lumière de ce que j’ai éprouvé, en lisant les poètes, dans mon adolescence, (et plus particulièrement Guillaume Apollinaire, dont je parlerai, ici, plus longuement, un jour), cette découverte du flamboiement des mots… Maintenant que le temps se resserre, pour moi, il n’est plus temps de craindre le jugement de la postérité sur ce que j’ai écrit : je ne referai pas une œuvre tout entière, mais, comme le vieux luthier qui construit encore et toujours son énième violon, en tenant compte de l’expérience que lui ont donnés tous ses violons précédents, je construirai encore, si Dieu me prête vie, quelque machinerie de mots, apte à produire une musique – que quelques-uns, peut-être, sauront entendre…A moins que ces mots ne se perdent, dans l’indifférence générale, dans le world web wide, comme un objet minuscule se perd dans une immensité.
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