dimanche 28 septembre 2008

Dimanche 28 Septembre 2008. 18H40

"Misérable miracle" est le titre d'un livre d'Henri Michaux, consacré à une drogue, la mescaline, que je n'ai pas lu. Mais je pense, souvent, à cette expression, que je trouve très forte, à cause, évidemment, de l'oxymore violent qu'elle contient. C'est un peu comme ce titre d'André Breton : "Poisson soluble", où deux mots se contredisent de la façon la plus flamboyante possible, jusqu'à s'anéantir, mutuellement.
Quant à ce "misérable miracle", je dirais que cette expression, à mes yeux, pourrait caractériser , de la façon la plus précise possible, la vie humaine. En effet, quoi de plus miraculeux que la vie, la pensée, les heures du petit matin, dans un jardin dont l'herbe est couverte de rosée ? Quoi de plus misérable que la vie qui s'étiole et que le temps dévore, jour après jour, heure après heure, jusqu'à ce que l'huile de la lampe soit, tout entière, consumée ?

samedi 20 septembre 2008

Dimanche 21 Septembre 2008. 8H14

Hier, la télévision française retransmettait un concert franco-québecois, qui s'est déroulé, cet été, au Québec, à l'occasion des 400 ans de la fondation du Québec : en regardant tous ces Québecois rassemblés chanter en choeur des chansons françaises, je me suis dit que ce n'est pas l'espace géographique qui constitue une patrie : une patrie, c'est avant tout un espace linguistique, intellectuel, mental, que les mots tissent un peu plus chaque jour.

jeudi 18 septembre 2008

Vendredi 19 Septembre 2008.6H44

Si le temps du poème est le "temps suspendu", le temps de la tragédie classique est un temps resserré autour de l'inéluctable, alors même que les personnages croient pouvoir y échapper, ou en être, à jamais, sortis :
"Le temps n'est plus, Seigneur, où je pouvais trembler"
dit un personnage de Racine, cherchant à ne pas voir cet inéluctable de la tragédie qui s'est resserré autour de lui, tout comme l'espace, au sein de la règle dite des "trois unités" : temps, lieu, action.

dimanche 14 septembre 2008

Dimanche 14 Septembre 2008. 9H33

Dans ma maison, en Lorraine...

Il est temps, pour moi, de rendre hommage, à la poésie de Guillaume Apollinaire. Ma vocation de poète est tout droit sortie d'un "Livre de Poche" qui , dans les années 1960, proposait une sélection de poèmes d'Apollinaire , sous une couverture bleu ciel, sur laquelle étaient reproduites, je crois, les lignes verticales et légèrement obliques du merveilleux poème qui commence par : "Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes, même dans le souvenir..."
Aujourd'hui , sans que je sache pourquoi, c'est un quatrain d'Apollinaire qui résonne, dans ma mémoire, depuis quelques jours :

"Du joli bateau de Port-Vendres
Tes yeux étaient les matelots
Et comme les flots étaient tendres
Dans les parages de Palos."

Il y a tout dans ce quatrain : une harmonie des sons (par des répétitions de sons, qui créent une musicalité et un rythme, comme le bercement de la mer) et du sens , avec cet imparfait de l'indicatif , répété d'un vers à l'autre, qui permet, dans la langue française, de suspendre le temps : "étaient".
J'aurais tendance à nommer ce temps verbal , non pas "l'imparfait" de l'indicatif, mais le "temps suspendu" de l'indicatif. Car c'est, non pas d'un "imparfait" dont il s'agit, mais d'une parfaite plénitude, d'un moment de bonheur inachevé, comme tous les moments de bonheur, sans doute, et que les magie des mots, ici, nous restitue.

mercredi 3 septembre 2008

Mercredi 3 Septembre 2008. 16H26

Pour un apprenti écrivain d'aujourd'hui, qui se pique d'écrire, il faudrait faire l'analyse et la dissection de phrases comme celle-là : "Auprès des guinguettes furent plantés des acacias, ombrages des pauvres comme l'eau de Seltz est le vin de Champagne des gueux." (Mémoires d'Outre-Tombe, Classiques de Poche, IV, Livre trente-sixième, chapitre I, p. 209).
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Et puis il y a cette fulgurance : "Matière de songes est partout" (p.223, op.cit.).
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Et encore cela : "Le 19 Mai, à midi, j'avais quitté Ulm. A Dillingen les chevaux manquèrent. Je demeurai une heure dans la grande rue, ayant pour récréation la vue d'un nid de cigognes planté sur une cheminée comme sur un minaret d'Athènes ; une multitude de moineaux avaient fait insolemment leurs nids dans la couche de la paisible reine au long cou. Au-dessous de la cigogne, une dame, logée au premier étage, regardait les passants à l'ombre d'une jalousie demi-relevée ; au-dessous de la dame était un saint de bois dans une niche. Le saint sera précipité de la niche sur le pavé, la femme de sa fenêtre dans la tombe : et la cigogne ? elle s'envolera : ainsi finiront les trois étages." (p. 226 et 227, op.cit.)
Ainsi parlait François-René en 1833, quinze ans avant sa mort en 1848. Et moi-même, qui recopie méticuleusement ces phrases de Chateaubriand, en ce 3 Septembre 2008 , comment finirai-je ? Et vous, qui me lisez ?
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Et puis cette extraordinaire mise en perspective historique : "En 1793, la République enleva de l'église de Blenheim les guidons arrachés à la monarchie en 1704 : elle vengeait le royaume et immolait le roi : elle abattait la tête de Louis XVI, mais elle ne permettait qu'à la France de déchirer le drapeau blanc." (p. 227, op. cit.)