dimanche 1 juin 2008

Dimanche 1 Juin 2008. 8H46

Dans ma maison, en Lorraine…Le tour du jardin : en contrebas, la décrue : les bords de la rivière ont repris leur aspect habituel : l’arbre frêle dont je parlais, hier, a survécu : il garde, cependant, un air penché, des combats qu’il a menés, la veille. Les très vieux saules, eux, ont vécu cette crue avec indifférence, comme des dizaines d’autres : ce sont eux qui empêchent la rivière d’arracher la terre du talus qui la surplombe, sur la rive qui « m’appartient » --possède-t-on quoi que ce soit, ici-bas ? Près du massif de lavande, les toiles d’araignées, recouvertes d’infimes gouttelettes d’eau, semblaient de la guipure.

Neuf heures sonnent, au clocher de l’église :

« Le temps s’en va, le temps s’en va, Madame

Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons… »

Un bœuf meugle, quelque part. D’autres lui répondent. Il y a comme un vent de révolte, ce matin, parmi le bétail, d’habitude paisible, dans les prés voisins. Quelle que soit la banalité de chacune de nos journées, elle a son unicité : nous voyageons sur l’aile du temps : comme le jardin, qui traverse les saisons de l’année : chaque fleur y attend son heure d’apothéose et de déclin : l’heure des tulipes, l’heure des pivoines, l’heure des lys…Comme nous traversons les saisons de notre vie, en attendant, nous aussi, notre heure d’apothéose et de déclin, en oubliant, le plus souvent, qu’il est « plus tard que nous ne le pensons. ». Impassible, la vigne vierge envahit le mur, côté jardin, comme chaque année : ce ne sont pas les mêmes feuilles, mais le même pied de vigne, qui chaque année, part à la reconquête de son espace, en grimpant jusque sous le toit, en attendant la torpeur de l’été, à quoi succédera l’automne, qui fera flamboyer les feuilles, et le vent d’hiver, qui les emportera, faisant se succéder, d’un même souffle, l’apothéose et le déclin.

Dans le pré qui jouxte mon jardin, il y a de jeunes bœufs, au pelage brun, uni, qui broutent innocemment, sans savoir qu’ils sont condamnés à l’abattoir. Je les regardais, depuis l’espèce de tonnelle avec de petites colonnades blanches, dans le style hellénisant, que mon lointain prédécesseur, dans cette maison, un Anglais, avait construit, sans doute, de ses propres mains : j’ai retrouvé des moules, pouvant servir à cela, dans la cave. Dans les archives de la maison, au fond d’un placard, il y avait, aussi, d’anciennes demandes de permis de construire de ce propriétaire anglais : l’adresse postale, à laquelle la préfecture du département français où je me trouve, lui répondait, m’a fait sourire : en guise de nom de rue, avant le nom du village, simplement ce mot anglais : « Riverside », « bord de la rivière ».

J’ai accroché, dans l’escalier qui mène au premier étage de ma maison, la reproduction d’un tableau d’Emile FRIANT (1863-1932). L’original de ce tableau, Les Amoureux (1888), une huile sur toile (110, 145 cm), se trouve au Musée des Beaux-Arts de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Dans ce tableau, deux amoureux, au premier plan, peints de dos, accoudés au parapet métallique d’un pont qui surplombe une rivière, que l’on voit dans l’arrière-plan du tableau, ainsi qu’un autre pont , de pierre, celui-là, dialoguent silencieusement, par la seule force de leur regard.

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