Dans ma maison, en Lorraine.
Songé, hier, à cette idée simple que je livre à mon lecteur, ma lectrice bénévoles : en littérature, on pourrait distinguer les « transhumants des siècles », les « enjambeurs des siècles » (Chateaubriand : 1768-1848) et ceux qui ont les deux pieds dans le même siècle (Hugo : 1802-1885). Mais, pour ce qui concerne Chateaubriand et Hugo, tous deux ont été les témoins de mutations considérables de la France : de la Monarchie à la Restauration, en passant par l’Empire, pour Chateaubriand, de l’Empire à la République en passant par le Second Empire, pour Hugo. Le parallèle entre ces deux écrivains pourrait être développé : n’est-ce pas le jeune Hugo qui disait : « je serai Chateaubriand, ou rien ». ?
Avant de quitter Romilly-Sur-Seine, j’achetai, avant-hier, des tuteurs et du fil pour « mon jardin zen » (quatre pots de lavande posés sur le goudron de la cour minuscule qui m’a été attribuée, au titre de « l’appartement de fonction ». *** me dit : « tu vas enlever ça, (les tuteurs et le fil), c’est ridicule ! ». Je lui répondis : « mon père disait à ma mère, avec une tendre ironie, lorsqu’elle se mêlait d’improviser des travaux de jardin : « c’est ton jardin polonais ». Eh bien, ces quatre pots de lavande sont mon jardin polonais ! »
Parti, hier, de Romilly-Sur-Seine, avec A. et ***, passé à la gare de Nancy pour déposer ***, puis dans la banlieue de Nancy pour boire une tasse de thé « Lipton », avec une rondelle de citron, chez ma mère, j’arrive ici vers 19H30. Ici, derrière ma maison, en Lorraine, ce n’est pas le goudron d’une cour qui m’attend, mais un jardin en friche, avec une herbe tellement haute qu’il faudrait une débroussailleuse performante (que je n’ai pas), pour en venir à bout. La maison possède, sur le devant, côté rue, une petite terrasse cimentée : le ciment s’est fissuré, par endroits, et les herbes sauvages y poussent, avec la complicité de l’eau qui coule du chéneau d’une minuscule véranda, par une gouttière qui pend, étrangement, dans le vide:
J’improvisai un repas, pour A. et moi. Quand la nuit descendit sur le village, je me rendis compte, seul, dans ma chambre, au premier étage, qu’à force de vivre quotidiennement dans une ville, j’avais désappris l’obscurité et le silence absolus d’une nuit sans lune, à la campagne.
Après une nuit difficile (le lit de fortune, sur lequel je dors dans cette maison est d’un inconfort absolu, et mes apnées du sommeil ont dû être nombreuses), je lis, ce matin, dans les Mémoires d’Outre-Tombe (Classiques de Poche, III, p. 456, op. cit.), cette phrase d’une force inouïe : « La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c’est la parole à l’état de foudre ; c’est l’électricité sociale ». Ne pourrait-on remplacer, aujourd’hui, le mot « presse », par le mot « internet » ?
Au-delà de ce que dit le texte de Chateaubriand, sur le plan historique, philosophique, artistique, religieux, il faut lire, en filigrane, le non-dit, tout ce qui se rapporte à sa vie privée Au-delà de son souci de construire une œuvre, ou d’agir sur le monde par la politique, le fil conducteur de sa vie est, en réalité, la vie affective. C’est exactement cela que tous ceux à qui je parle de mon admiration pour Chateaubriand et qui me regardent avec de grands yeux étonnés, n’ont jamais su voir. Je renvoie mon lecteur, ma lectrice bénévoles aux pages suivantes de cette édition des Classiques de Poche, Tome III : page 394, note 1, comme page 432, note 1, ou encore page 455, passim….Je ne saurais rédiger un « reader’s digest » de tout cela : il me semble que mon lecteur, ma lectrice ne peuvent faire l’économie de l’effort de lire cela dans le texte, et dans les notes précieuses, en bas de page, de Jean-Claude Berchet.
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