dimanche 2 novembre 2008

Dimanche 2 Novembre 2008. 13H39

Un souvenir en entraîne un autre : à quinze ans, je lisais les poèmes , comme d'autres goûtent au fruit défendu. La scolarité, au lycée, ne me passionnait guère : c'est un doux euphémisme ! Mon père, ayant appris, un soir, que je devais avoir un Contrôle d'Histoire-Géographie, le lendemain, au lycée, entreprit de vérifier que je révisais bien mon cours d'histoire. Il découvre, soudain, que je lis "Les derniers poèmes d'amour" d'Eluard , dans l'édition de Poche , chez Seghers. Ce qu'il fit, alors, fut pour moi une durable blessure et devait être une image rémanente , pendant longtemps : il jeta le livre dans le poêle à charbon, où, impuissant, je le vis se consumer.
Tout cela me semble bien lointain et bien dérisoire, à moi, qui , il y a quelques jours, ai déposé un pot de bruyère sur la tombe de mon père, où , malgré les ravages du temps, on peut encore lire, cette phrase de la Bible : "l'Eternel est près de ceux qui ont le coeur brisé".
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Pourtant , mon père, issu du monde ouvrier, n'était pas insensible à la poésie et n'était pas sans culture : après une fugue que j'avais faite , à douze ans, jusqu'à Marseille, il me dédicaça un exemplaire des Confessions de Rousseau, en ces termes : "Jean-Jacques Rousseau, Arthur Rimbaud, Michel Conrad, la lignée des fugitifs. Bon courage, mon petit !" "Fugitif", ce mot, tout compte fait, me caractérise bien , même si, aujourd'hui, mes voyages sont plutôt imaginaires. Disons que je suis un fugitif immobile, un "voyageur autour de ma chambre".
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Alors qu'il n'y avait aucun livre à la maison, je découvris, malgré tout, dans les affaires de mon père, un livre minuscule, qui tenait dans une paume, illustré d'aquarelles et publié chez Gründ : Les Fêtes Galantes , de Verlaine. Ce livre aussi a beaucoup compté dans la conception que je me suis faite de la poésie.

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